Va te changer !

L’Atelier du Trio

Cathy Ytak – Thomas Scotto – Gilles Abier

Éditions du Pourquoi pas

Il y a des livres dont on souhaiterait fort qu’ils soient diffusés partout :  dans les collèges, lycées, centres sociaux, lieux de médiation…

Quand j’ai eu ce livre en main la première fois, j’ai commencé ma lecture comme je le fais habituellement par les premières pages et, je n’ai pas pu m’arrêter. A la fin je pleurais. Rencontre avec un remueur de tréfonds.

Alors voilà Robin, un adolescent équilibré qui a une amoureuse, Jade et un meilleur pote, Sélim. Robin revient de Londres et en souvenir il s’est ramené une jupe. Pas un kilt, une jupe. Une jupe noire qui arrive au-dessus des genoux. Voilà, le costume est planté avec la jupe de la discorde. C’est une histoire somme toute banale : un ado en vacances craque sur une fringue qu’il ramène en souvenir. Sauf que quand le souvenir est un vêtement à orientation sexuelle caractérisée, ça risque de sentir le roussi…

(Vous saviez pas que les jupes c’est que pour les filles ???)

Un garçon qui porte une jupe ça fait tourner les têtes et les langues de vipères. Ça commence modérément par Maïa, la sœur de Robin (qui est accessoirement pionne dans le lycée de Robin). Se ramener en jupe au repas de famille dominical, ça fait tache.

Donc par un beau matin, Robin arrive au lycée en jupe. Du côté de Jade et Sélim ça ne fait pas trop de vagues. C’était sans compter sur Nolan. Ce dernier on ne met pas longtemps avec de l’identifier comme l’archétype du mec sûr de lui à mauvais escient, macho, intolérant et un maxi-brin pervers qui ne comprend pas le sens du mot « non » quand c’est une fille qui lui dit (oui en filigrane de l’affaire de la jupe, il y a l’affaire du mec qui embrasse une fille de force…Il a pas écouté « Quand c’est non c’est non » de Jeanne Cherhal…Tiens, encore une chanson qu’on devrait diffuser partout…à retrouver à la fin de cet article). Son nouveau sport national c’est d’envoyer piques sur sarcasmes pour distiller son poison verbal dans les esprits. Côté prof, on cherche l’apaisement des esprits. Côté élèves ça ricane, ça rembraye en crescendo à la suite de Nolan qui ne se sent plus d’avoir fait mouche. Au self le midi ça dérape.

Elles ont la dent dure les normes bienpensantes. Les railleries s’affirment, l’atmosphère se fait pesante, menaçante. Le coup frontal arrive par Maïa qui envoie l’ultimatum : c’est la jupe où exit la participation à la sortie de l’après-midi. Capitulation. Pendant que Robin se change, dans le bus la pression monte encore. Révolte, insulte, riposte, vengeance. Après les tensions relationnelles, un individu va souffrir dans sa chair. Sélim récolte le fruit de sa loyauté envers son pote et manque d’y passer.

C’est curieux : ce livre convoque dans ma mémoire un fait divers médiatisé en février 2019 : dans le Tarn un lycéen s’était fait rappeler à l’ordre parce qu’il se maquillait. Cela avait profondément choqué la mère d’une élève. Sauf que les élèves ont fait front contre les premières préconisations de la direction de l’établissement qui avait suggéré d’alléger le maquillage. Le lendemain, filles et garçons étaient arrivés maquillés au lycée…

Le fait de porter une jupe est-il synonyme de faiblesse ? Comment tordre le coup aux stéréotypes séculaires ? Quand on est une fille on doit s’habiller comme ceci. Quand on est un garçon on doit s’habiller comme cela. Le souvenir de mes années collège et lycée où je m’habillais de façon à ne surtout pas attirer les regards me revient de plein fouet. Et la peur que je ressentais alors : attirer les regards étant alors associé à « danger ». Se fondre dans la masse, ne pas attirer l’œil, trop risqué. Depuis j’ai grandi, vécu, découvert entre autres les bals folks, et les garçons qui dansent en jupe…ou qui dansent ensemble parce que juste ça leur fait plaisir, les filles également…sans spéculer sur une hypothétique homosexualité.

Bref, chapeau le Trio : il dégomme ce livre. Entre les questions du pouvoir des stéréotypes, l’importance du regard des autres, l’acceptation de la différence, le respect de l’autre et l’effet exponentiel du harcèlement, il y a de quoi faire chauffer la machine à cogiter.

Pourquoi penser comme ceci ou comme cela, marcher comme ceci, vivre comme cela. Et si on récupérait un peu de libre arbitre et de courage pour affirmer haut et fort « et alors » ?

A lire, jouer, diffuser le plus possible…

https://www.ladepeche.fr/amp/2019/02/20/albi-les-reseaux-sociaux-senflamment-pour-un-lyceen-maquille-faussement-menace-dexclusion,8027185.php

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