Si tu avances

Cathy Ytak

Nathan

Lecture du dimanche matin, en bonne compagnie ronronnante.

Il me faut bien ça pour accompagner le flot d’émotions que je traverse quasiment à chaque fois que je lis Cathy Ytak.

Cette lecture n’a pas fait exception.

Qui se rappelle de ses premiers émois amoureux, ces premiers fantasmes que l’on dissimule avec une grande habileté aux yeux du monde quand on a à peine confiance en soi ?

Qui a ressenti les tourments de l’adolescence version « qui suis-je ? »

Katja est en plein dedans.

Récit au présent, on la suit dans les préparatifs de son départ sur un chantier d’été. Pour suivre Quentin, le beau Quentin, fils du patron de son père et objet de tous ses fantasmes, elle est prête à tout, même à passer trois semaines dans le sud de la France à apprendre comment reconstruire des murets en pierre sèche. Évidemment vous voyez venir le truc, et je vais l’écrire cash : Quentin s’en tamponne de Katja. Et le mec un tantinet imbu de lui-même, loin de la repousser subtilement, en profite pour la raplatir, la juger sur son physique, la mettre plus bas que terre…

Quentin 1, Katja moins 40.

Hum, ça me rappelle moi qui partait en colonie « sportive » alors que je ne l’étais pas…

Le problème quand on se berce d’illusions, c’est que le réveil fait mal, très mal. Trop mal. Voilà Katja en mode cerveau limbique sur-activé. Elle court droit devant dans la montagne pour en finir, arrêter la douleur, sauter dans le vide, accélérer et…c’est raté ! Dans la caillasse de cette pente qu’elle pensait être un ravin, elle tombe et la douleur ressentie lui fait reprendre contact avec son corps. Sa conscience se remet en marche. La réalité la frappe : après le choc émotionnel, la souffrance de son corps. Puis les flots d’adrénaline qui se déversent pour « remonter la pente ». Au sens propre cela lui prendra quelques minutes d’acharnement, à ancrer ses pieds dans la terre, à agripper buissons et rochers.

Après la fuite, la lutte…pour vivre !

Les jours passent. Au sens figuré, Katja peine à « remonter la pente ». Pour anesthésier les pensées qui s’entrechoquent dans sa tête, elle s’abandonne au travail, aux seaux à porter, aux murets à reconstruire. Un traumatisme est là : le choc a posteriori de son geste fou et désespéré. Katja reconsidère sa vie avec un nouveau regard. Elle identifie ses illusions, se prend en pleine tronche la conscience de ce masque qu’elle a fabriqué pour se couler dans ce foutu moule sociétal. Dévalorisation, descente lente aux enfers du dénigrement. Il n’est pire ennemi que soi-même…Pourtant, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Progressivement Katja trouve une place dans cette équipe, elle se rencontre elle-même, se découvre capable, valable. On lui tend la main. Amiel trouve la faille et les mots qui permettront aux larmes de purger ce chagrin, ce sable mouvant dans lequel elle s’enfonçait lentement. Katja découvre qu’elle n’est pas seule, que des amitiés sont nées, simplement, sûrement, sans faux semblants.

A courir après un mirage, on risque de ne trouver que du sable. Voilà la douloureuse expérience de cette adolescente en quête d’elle-même. Le hic c’est de chercher dans le regard des autres cette valeur qu’on n’ose pas se donner. Quentin catalysait bien des espoirs. Il était cette échappée du réel à laquelle Katja s’accrochait pour ne pas regarder de manière trop frontale sa vie dissociée depuis le divorce parental et les conflits livrés avec. Il était beau ce film qu’elle avait fabriqué sans douter de lui. La chute est à la mesure de la hauteur des illusions. Le désespoir progresse comme une bombe atomique, détruisant tout. Quand la machine émotionnelle s’emballe, il n’est plus question de raisonner. Dissociation, fuite et mauvaise décision. Ils sont légion les ados qui se suicident pour cause de chagrin d’amour ou mal de vivre. Le paysage est obscurci au point de ne plus laisser entrevoir la moindre étincelle de lumière.

Écriture incisive, le crescendo dramatique déferle et Cathy Ytak de jouer avec les niveaux de tension. Le paroxysme est-il atteint dans la chute ? Katja ne semble pas tirée d’affaire…Après le geste fou, la sournoiserie est tapie dans l’esprit. A quel bouleversement pourrait-elle se heurter encore ?

Les balanciers émotionnels sont traîtres.  Ils prennent le pas sur la raison, laquelle accuse sévèrement le coup quand enfin elle se remet en branle. Si les mots tuent, ils peuvent aussi guérir (gai rire…tien tien…le fou rire du retour à la vie…douloureux et vital…intéressant n’est-ce pas ? ). En se confiant, en parlant, on fait sortir, on met à distance. On ne défendra jamais assez, je pense, le pouvoir des mots et de l’écoute bienveillante.

Dans ce roman se côtoient la mort et la vie : l’une qui détruit, l’autre qui appelle à être construite. A l’instar des murets que l’on redresse avec les pierres qui sont à disposition, on peut donner à sa vie l’orientation que l’on souhaite. Dans ce roman, je perçois une incitation forte à choisir, à prendre en main, à bâtir, à reconstruire si besoin…

Y a plus qu’à !

Merci Cathy, pour écrire ce qui bouscule avec cette percutante sensibilité.  

Avancer, oui, continuer. Vivre c’est chuter, morfler, rire, pleurer, se laisser surprendre. « Si tu avances »…trois mots pour tant de possibles à la suite.

Ça tombe bien, en ce moment j’ai des travaux qui m’attendent et d’autres articles qui mijotent…

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