Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail
Kim Consigny pour les illustrations
L’école des loisirs
Collection Médium+

Le tome 2 de Francœur est arrivé il y a quelques jours. J’ai retrouvé avec une joie difficilement contenue la fratrie Dupin – alias Anna l’écrivain – Zidore le peintre animalier, Marceau le poète et Olympia la tragédienne. Le tome 1 m’ayant conquise (voir ma chronique Francoeur – à nous la vie d’artiste !), il me tardait de découvrir la suite de leur ascension artistique.
Pour Olympia la benjamine, l’entrée dans le monde théâtral ne se fait pas sans heurt. Son talent conjugué à ses sautes d’humeur et sa verve acérée lui confère à la fois admiration et exaspération de son entourage. Rompant avec le travestissement assumé par Anna, Olympia observe, expérimente et assume une sensuelle féminité qui consiste à se jouer de la gent masculine pour en tirer le meilleur. Rebelle et passionnée, orgueilleuse et talentueuse, Olympia, plus Sara Bernhardt que nature, fracasse la bienséance et les codes des institutions scéniques avec un culot jouissif à lire.

Mais au-delà du succès que construisent à coups de pinceaux ou de plumes les trois aînés, les turpitudes politiques agitent le pays et me voilà, lectrice des temps modernes, plongée au cœur des agitations du 19e siècle. Le sort des artistes est depuis longtemps corrélé aux aspirations des puissants. Anna écrit, rature, ajuste les époques pour ainsi défier la censure tout en s’imposant comme plume moderne.

Cependant, au fond des cœurs de la fratrie Dupin, l’appel des racines monte. Le Berry, ses paysages, son terroir, son patois, sa ruralité brute s’impose à nouveau, apaise, bouscule, maltraite, violente, désarçonne. Mirage de l’enfance, les fantômes sortent du bois. Anna se perd : campagnarde ou citadine ? Parisienne ou châtelaine ? En bottes ou chaussée de sabots ? Et si le moment était venu d’assouplir la binarité sociale ?
Sur fond de vieille à roue et autre chieuve et cabrette (alias cornemuse), les mots s’alignent, les histoires naissent, traînant dans leur sillage le lien épistolaire entre Anna et son admiratrice désormais nommée Marceline. Les lettres s’enchaînent, s’allongent, harponnant notre (ma) curiosité. Les ellipses se font taquines, mais Anna (alias Marie-Aude et Constance), en auteur confirmé et attentif à son lectorat, veille à ce que toutes les portes qui furent ouvertes soient refermées.
Dans ces pages il n’y a pas de petit personnage qui ne soit un maillon puissant de la fiction. Merci mesdames les autrices pour cette machine à réinventer le temps et les artistes. Ainsi, de retour au 21e siècle avec un tantinet de nostalgie, je songe qu’il est grand temps de ressortir quelque classique de George Sand pour prolonger le voyage temporel. À moins que je ne préfère d’abord aller taquiner les parquets de Saint-Chartier pour y danser la bourrée !

à nouveau un belle lecture à découvrir, merci.
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