A hauteur d’enfant

Lisette Lombé et 10eme ARTE

CotCotCot éditions

A première vue c’est un carnet. Un carnet sur lequel des escargots se promènent. Légèrement en relief, avant même d’entrer dans ces pages ils invitent les doigts à s’égarer, les sens à se mettre en vigilance, le temps à ralentir. Le papier doux raconte une histoire du toucher et de l’observation et déjà je songe au nombre d’escargots que j’ai ramassé pendant mes étés : la hauteur de mon enfance se réveille de sa longue torpeur et le voilà braqué, le faisceau de la lampe sur les souvenirs de jadis, d’un aujourd’hui au parfum d’hier…

Je suis ravie : il y a des découpes, des fenêtres : chouette ! Différentes perspectives attendent les lecteurs. Via les mots, la poétesse a la finesse de s’adresser simultanément aux enfants et aux plus grands. Pistes brouillées, message engagé, lecture inversée. Et si on faisait le chemin à l’envers ?

Les mots posés sont sobres, et efficaces. Lisette Lombé décoche avec la précision de l’archer des flèches sous formes d’interrogations : « que vois-tu… que sens-tu… que goûtes-tu… »… en y ajoutant avec « depuis que » le petit fiel qui sépare le monde des adultes de l’enfance. Toutefois un doute s’immisce : même quand on est petit on peut prendre de plein fouet l’amertume de la vie quand on croise un sans-abri ou que les oreilles sont frappées par les maux (mots) des parents. Pas si épargnée qu’on l’imagine, la hauteur d’enfant, mais encore prompte à se réjouir des miettes de crêpes dans le plat ou des premières fois ici ou là.

Regard de l’autre, complexe physique, budget serré, misère sociale : trop naïfs les enfants pour lire la réalité de certaines vies ? Trop naïfs les adultes pour imaginer que les plus jeunes puissent être absolument lucides ? Si l’émerveillement a capitulé devant la charge mentale du quotidien, peut-être que quelques pages pourront réveiller ce qui dort… l’enfant intérieur. Il est l’heure de recommencer à regarder, sentir, toucher du bout du doigt, outre ce joli papier, les petits riens du quotidien.

Pour répondre au poème, le camaïeu tout de bleu de 10ème ARTE nous invite dans une maison. L’intérieur d’abord, l’intime avant que les fenêtres s’ouvrent. Sortons un peu et ouvrons grand nos yeux. Par terre, mille trésors et tant de couleurs. Dehors, l’infiniment grand envoi le regard au loin : qu’y a-t-il au-delà des nuages ? Et au-delà du cocon rassurant des bras câlins ?

Étrange attraction que celle qui nous a poussé l’un vers l’autre, A hauteur d’enfant et moi. De celle qui me saisit parfois, créant un vertige, un sentiment impérieux, une urgence à lire, à faire de ces mots une couverture ou un tapis volant… Je réponds à là ce recadrage, ses suggestions : se réconcilier avec soi, à mettre des mots sur du beau, sur les espoirs et apprendre aux enfants à cultiver ce don.

De vous à moi, quoi de plus délicieux que de re-conjuguer au présent la hauteur d’enfant même quand on est grand ?

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