Pouce

Raphaële Frier et Kam

Éditions du Pourquoi Pas

Pouce ?

Parce que le petit d’homme est petit, tout petit, si petit (trop petit) quand il naît ?

Si petitou qu’il faut qu’il mange, mange, mange pour grossir, grandir et devenir fort comme papa. L’enfant mange, dort, mange encore. ET encore. Et encore tant et si bien qu’un jour, ses parents exsangues l’abandonnent dans la forêt. Attendries d’abord, faune et flore comprennent rapidement de quelle nature ogresque est faite l’enfant. Et hop, abandonné sur la montagne le terrible nourrisson !

Quand on se nourrit de cailloux, finit-on par avoir un cœur de pierre ?

Raphaële Frier et Kam extraient le cauchemar du conte. La métaphore se file et file depuis l’origine des hommes, depuis l’époque des grottes, les premiers villages, le début de la sécurité, la maîtrise des ressources. Mais petit à petit, le gris grignote la couleur et la bouche humaine géante, béante, semble insatiable.

« Oh mon petit Pouce que tu as de grands yeux, de grands doigts, de grandes dents. ». car l’enfant illustré n’a rien d’enfantin. L’enfant à qui on a tout offert se sent libre de tout prendre. Homme- prédateur, il dévore à outrance sa subsistance. Devenu volcan, dans un accès d’aigreur il crache une lave qui détruit sur son passage tout ce qui ne peut pas se mettre à l’abri. A plusieurs reprises, les constructions humaines sont brulées, reconstruites, re-détruites. Au jeu « on prend presque les mêmes et on recommence », qui gagnera la partie : la pugnacité humaine qui défie jusqu’à la pierre ou la nature, résolue (résignée ?) qui inlassablement reconquiert grâce à ses graines perdues les zones grises ?

Les frontières sont floues entre le conte, la dystopie et l’éco-philosophie. L’enfant à la mèche blonde fascine moins qu’il effraie (toute ressemblance avec un homme riche existant serait-elle tout à fait fortuite ?). Jadis, avant qu’ils ne soient édulcorés, les contes terrifiaient, racontaient le monde dans sa noirceur pour prévenir – qui au juste : les puissants de leur aveuglement ou les petites gens… ?

 Si le combat ne se fait pas à armes égales, comment préjuger de la fin ?

A chacun d’y cheminer et de trouver son chemin, sa vérité…

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