Christine Naumann-Villemin et Stéphane Henrich
Editions Kaléidoscope

Clafoutu est une sorcière qui travaille sec sa laideur. Elle y passe des heures pour être la plus dégoutante, crasseuse, écœurante chose sur Terre. C’est une esthéticienne de la mocheté et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle excelle dans son domaine.

Pour être sûre et certaine qu’elle seule est bien la plus laiiiiiiide sur terre, (ça ne vous rappelle pas quelqu’un ce refrain ?) elle questionne tous les jours son vieux chaudron magique.

Pas fou, l’accessoire lui répond la même chose à chaque fois. Mais (oui y a un mais), un beau jour Clafoutu casse son chaudron adoré. Bon ben ça c’est fait, y a plus qu’à en racheter un. Et vous ne devinerez jamais quoi : il est connecté ! (c’est par parce que c’est une histoire de sorcière qu’elle doit échapper à la modernité, non mais). Modernité à double tranchant : le chaudron a accès à des informations qui jusque ici passaient loin de notre sorcière. Quand elle lui pose la fameuse question, elle ne reçoit pas la réponse tant attendue. Il y a plus moche qu’elle : le nasique ! Voulant absolument voir la bobine de son rival mais étant plus douée en décoction qu’en sort, cela lui prend un peu de temps (qu’elle ne consacre pas à sa laideur). Enfin le nasique apparaît puis est directement banni sur une île très loin.

Le lendemain c’est un autre animal qui subit le même traitement, puis un troisième le surlendemain. Toutes ces journées à se débarrasser de ces affreuses créatures, Clafoutu en oublie de s’entretenir (ben alors Sorcière, tu perds de vue tes priorités là).
Vient le jour du crapaud buffle : ce dernier à l’audace de squatter sous son nez, dans son propre jardin. C’est au naturel que Clafoutu s’apprête à lui faire sa fête. Pas de bol, le crapaud est loquace et serait un prince charmant. Pour s’en débarrasser, il faut l’embrasser. Le prince est libéré (délivréééé) et il invite Clafoutu a une soirée…!(Quoi ??? Depuis quand les princes kiffent les sorcières ???). Les princes ne sont pas toujours comme on croit !
Un conte qui tord le cou à la beauté : j’adore !!!
Là on est dans l’anti-cliché. Mieux vaut ne pas avoir peur de tous les petits travers du corps humain nommés poils, points noirs et ongles crasseux ou autres trucs plus ou moins dégueux. Merci Christine Naumann-Villemin et Stéphane Henrich pour cette tranche de naturel délicieuse comme un munster trop affiné ! Les bonnes manières sont laissées au vestiaire. Un peu d’humanité très biologico-basique dans l’histoire c’est poilant (blague facile je sais).

Elle ne souffrirait pas d’isolement notre Clafoutu ? Parce qu’elle n’hésite pas très longtemps avant d’accepter l’indécente proposition du prince. Il y a peut-être une vie loin du chaudron ? Après tout qui a dit que les sorcières sont obligées de rester seules jusqu’à la fin de leur vie. Clafoutu avait des journées très sans surprise : toujours se faire laide, interroger le chaudron, et ainsi de suite tous les jours. Quand la vie est réglée comme du papier à musique, on ne se rend même plus compte qu’on s’ennuie. Alors on devient obsessionnelle et solitaire. Être la plus laide sur Terre : la belle affaire. Quel intérêt de se faire laide si c’est juste pour le chat et le chaudron ?

Quand on se trouve laid, c’est rassurant de penser qu’il y aura toujours plus laid que soi. S’accepter tel qu’on est, vaste programme. De nos jours c’est « toujours plus belle » avec des exigences toujours plus importantes. Sommes-nous obligés de suivre ces prérogatives sociétales ?
Culte de l’apparence quand tu nous tiens, ça fait du bien quand tu vas voir plus loin !
A partir de 5 ans


Merci à Christine pour cette histoire, et merci à toi pour ce partage.
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