Luna Granada
La tête ailleurs

Un arbre vivait en ville. Les saisons lui offraient de quoi rayonner : couleurs, lumière du soleil, lueurs de lune ou compagnie des coccinelles. Quand la belle saison au loin s’étire, ce sont les animaux de la ville qui font une pause de quelques minutes sur ses branches nues. L’arbre est heureux : il aime avoir de la compagnie.


Au moment de l’hiver, plus rien ne semble pouvoir égayer l’arbre de la ville. Il s’en persuade jusqu’à ce que dans toute cette grisaille, une tache colorée retienne son attention. Quelle chance que cet objet rouge vif qui virevolte à proximité des longues branches. Voilà qu’il s’y accroche. Voici l’arbre réconforté d’être paré d’un sac en plastique !


Ce n’est que le premier…Une abondante troupe multicolore ne va pas tarder à le rejoindre.
Comment ne pas être tristement ému de voir l’arbre se réjouir de ce cadeau empoisonné ?
Comment lui expliquer que ce qui l’égaie aujourd’hui demain, certainement, l’asphyxiera ?

Point d’explication, le temps se charge de lui faire comprendre quel revers de médaille accompagne ces faux-amis. En quelques mois, la superbe des sacs plastiques s’est muée en guenilles, qui dorénavant pendouillent tristement sur les branches en étouffant leur hôte. Les branches basses en sont incapables de jouer avec le vent.


Soit. Si la brise urbaine n’y a plus sa place alors le vent soufflera en tempête. Le moment est rude mais nécessaire. Les bourrasques douloureuses nettoient, dégagent, délivrent le pauvre arbre de son empoisonnant plastique.

Comment rester hermétique au message écologique ? A l’heure où le plastique a pris tellement de place sur la planète, où ce n’est plus un mais plusieurs continents de plastique qui témoignent sur les océans de la folie des hommes, on en oublierait presque les conséquences sur notre environnement proche. Le message de l’arbre devient particulier, comme un écho d’un quotidien devenu banal.
Je m’interroge : face à la pollution ordinaire, arriverait-on à éprouver une once de révolte ?
- Est-ce qu’on prend encore le temps de regarder les arbres ?
- Est-ce qu’on remarque le plastique qui gît au pied du tronc ?
- Est-ce qu’on ose s’offusquer de l’état des bas-côtés des routes ou des bouteilles vides jetées en forêt ?
Une vie sans plastique, l’arbre l’a compris, ça laisse de la place à la vie. Les bruissements des sacs ont laissé place aux pépiements. Luna Granada offre à son arbre et au lecteur la joie de la renaissance sur fond de ciel bleu !

Cet album me confronte à ma conscience écologique. Le vent fait son œuvre. Quelle est la mienne ? Il se pourrait qu’on ait tous la possibilité d’agir, à notre mesure, en face de chez nous peut-être. Rêver d’un monde meilleur c’est bien. L’aider à le devenir, c’est beau. Du moins c’est ce que moi j’ai envie d’entendre : l’invitation à ramasser plus souvent ce qui traînerait à mes pieds pour lui interdire d’étouffer les arbres, les animaux ou les fleurs.

