Nathalie et Yves-Marie Clément
Éditions du Pourquoi Pas

Il y a Nourh, l’Ancêtre. Et Dhib, son compagnon.
Il y a Aya la jeune archéologue, Oscar le mossi accompagné par Étalon sa chèvre, et Kim qui deviendra Medhi pour un temps.
Entre les deux premiers et les trois autres, il y a un pont temporel de 300 000 ans.
Le berceau de l’humanité rassemble ces destins que rien ne prédestinait à se croiser.

Nathalie et Yves-Marie Clément tissent les destins de protagonistes qui ne semblent pas devoir se rencontrer. Pourtant sans le savoir, tous convergent vers Houri-Kouri. Chacun nous raconte leurs espoirs, leurs doutes, leur solitude. Dans le berceau de nos origines, l’humanité se révèle pour le meilleur et sous l’angle du pire. Quand au 21e siècle les hommes se méfient, se déchirent, cherchent comment survivre à la cruauté de leurs frères, il est troublant de lire la rencontre de Nour et Dhib. Si l’Homo sapiens est fruit de croisements inter-espèces humaines, dixit les recherches paléoanthropologiques, que penser de la volonté présente de certains groupes d’en éliminer d’autres ?
Aya est ivoirienne. Elle a obtenu un diplôme en archéologie en France et sous la houlette du professeur Cartier, la voici en route pour Houri-Kouri en plein cœur du Mali. Des traces de vie datées du paléolithique ont été repérées. Il se pourrait que la découverte soit majeure. En attendant l’arrivée du professeur, Aya doit se rendre sur place pour rejoindre une équipe du Museum d’Histoire Naturelle. Sauf qu’une fois sur place, Aya est seule. Les français sont bloqués à Paris à cause d’un inextricable nœud politico-administratif…et au Mali, c’est la guerre.

Oscar n’est pas tout jeune, mais il est déshonoré et doit quitter son village. Sa mission est de trouver du travail afin de rembourser la tontine. Du Burkina Fasso, il rejoindra le Mali à pied avec pour seule compagnie sa dernière chèvre, qu’il a appelée Étalon. Mais qui à Ségou attend après un vieil homme. Une amère désillusion l’attend : aurait-il quitté son village et changé de pays pour rien ?

Kim est orpheline. Quand l’orphelinat dans lequel elle a été recueillie ferme, elle se retrouve dans la rue. Cette vie la propulse dans un monde brutal où la survie dépend de la rapidité avec laquelle on vole sa pitance. Évidemment ça ne marche pas à tous les coups et vient le jour où elle se fait chopper : direction le trou. Le jour où elle sort de prison la précipite dans un destin qui n’est pas celui d’une fille. Elle se fait enrôler comme soldat d’Allah et devient Medhi. Entre ceux qui ne savent pas qu’elle est une fille, elle apprend le maniement des armes…dans le but de tuer des ennemis dont elle ne sait rien d’autre que ce qu’on lui faire croire.


Cet ouvrage est intergénérationnel. De Kim-Medhi à Oscar, de l’enfant au vieillard, la rudesse de la vie en Afrique de l’Ouest n’échappera à personne. Sous le soleil écrasant, vivre devient une gageure de chaque instant. Un humain isolé voit sa vulnérabilité décuplée. J’entrevois vaguement, derrière mon regard occidental, les enjeux liés au collectif. Le dilemme apparaît : rester seul et s’étioler à petit feu ou intégrer un groupe quel qu’il soit et parvenir à (sur)vivre ? Puisque chaque protagoniste prend la parole, même derrière l’embrigadement de Kim on comprend pas à pas qu’être ensemble répond à un besoin instinctif, essentiel, vital.
Quand le paléolithique se donne à voir, quand les ancêtres sont respectueusement découvert par Aya, comment ne pas songer à Esméralda et Quasimodo ? De Victor Hugo à Nathalie et Yves-Marie Clément, ce sera probablement le clin d’œil de la fin : l’amour pourrait-il être le plus grand point commun d’hier à aujourd’hui ? Dans le grand défi du vivre ensemble, je n’ai pas de réponse à apporter mais la question mérite d’être posée. Comme de multiples médailles, entre face et revers, Les Amoureux de Houri-Kouri aborde différents thèmes : enrôlement-libre arbitre, savoir-ignorance, vivre-survivre, solidarité-individualisme, cruauté-générosité, masculin-féminin, passé-présent.
Entre science et fiction, comment ne pas être fasciné par le croisement de ces destins ?
D’hier à maintenant, comment faire pour ne pas s’interroger sur notre place dans l’Histoire ?
Les voix d’antan à aujourd’hui se cherchent, les unes tentant d’interpréter le lointain écho de l’évolution de l’humanité via un roman choral instructif, édifiant, passionnant !


Bravo, très belle chronique de ce roman qui se lit et se relit sans aucune modération. Un livre à mettre entre toutes les mains, de la très très bonne lecture.
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