Marie Colot
Alice éditions (collection Deuzio)

Tout est joli, propret et bienpensant au collège très bourgeois du Sacré-Cœur. Les élèves sont tous charmants, brillants, tirés à quatre épingles, tolérants… Ah non, mes excuses : sur ce dernier point il y a méprise. Quand Angelina débarque un beau matin avec son allure de bonbonne surchargée enveloppée de barbe à papa, les langues acérées d’Armonie, Violaine, Archibald, Jules s’excitent, chargent et déversent sans relâche des sobriquets tous plus abominables les uns que les autres. Une obèse dans cet univers aux silhouettes « normales », il semblerait que ça fasse tache. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non… C’est sans compter sur le tempérament détonnant d’Angelina, qui s’attribue, sur suggestion d’Enguerrand, le surnom de Burger ! Si la demoiselle a un embonpoint du tonnerre, elle est surtout dotée d’une auto-dérision en béton armé.


Dès le début, Marie Colot donne le ton et nous plonge dans un microcosme de pré-adolescents à la cruauté mordante. C’est tellement « gros » et insupportable que la lecture s’effectue avec un bon agacement en bandoulière. Ce qui va dissiper ce sentiment c’est le revirement des enfants. Quand le charme de Burger opère, quand les préjugés se diluent, quand le fil de l’amitié tisse enfin des relations, alors on se délecte de ces tranches de quotidien. Mais… (il y a un mais), qu’est-ce ce qui s’est passé pour que l’exceptionnelle Burger se retrouve en réanimation, avec sa vie qui ne tient plus qu’à un fil ? Cela aurait-il un lien avec les remarques de madame Crespin ?

Vous avez dit « grossophobie » ? Ou peut-être « harcèlement » ? Et de deux problématiques pour le prix d’une histoire ! Si la jovialité de Burger finit par faire fondre le ressentiment de ses camarades pour laisser place à de belles amitiés (et même à une jolie histoire d’amour avec Lucien alias Luciole), la prof de sport a le cuir autrement plus coriace. Quoi de plus propice à l’humiliation que les séances de natation ?

Le harcèlement du début ne tient pas face à la force positive d’Angelina. Les jeunes le comprennent vite. Toutefois, j’apprécie que ce roman pointe vers un sujet pour le moins tabou : la responsabilité potentielle des enseignants qui usent de moqueries ou d’humiliations à des fins « pédagogiques ». Ici Burger a la « chance » d’avoir pu fédérer ses camarades autour d’elle. Et si tel n’avait pas été le cas ? Peut-être faut-il apprendre aux enfants qu’ils croiseront parfois des adultes pas toujours bienveillants…je laisse cette réflexion à appréciation (et précision d’usage, elle n’engage que moi).

Le ton de l’autrice dans Les baleines préfèrent le chocolat est tantôt mordant, tendre, impitoyable, à l’image de l’ambiance collège. Les remords succèdent aux projets de vengeances. Les sandwiches au chocolat et les frites sont en compétition avec germes de poireaux et la solitude de ces enfants aux patronymes à rallonge se dévoile pudiquement. Aplomb et arrogance tentent de dissimuler des fêlures douloureuses… Grandir c’est aussi apprendre à faire avec, à s’individualiser, prendre de la distance avec les prérogatives parentales, ou faire tant bien que mal un deuil. C’est la vie faite de hauts et de bas qui prend le devant du tableau et qui a fait battre ou saigner mon cœur de lectrice.

Je l’ai lu d’une traite. Force est de constater que la richesse intérieure n’a rien à voir avec l’apparence. Si vous en doutez, je vous invite à plonger dans ce roman avec à côté de vous, des petits gâteaux, du chocolat ou tout autre plaisir un peu coupable mais si délicieux : c’est le moment de s’autoriser à abuser !

Voilà un commentaire stylé qui donne envie de lire.
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Mission accomplie alors ! 🙂
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Vous nous donnez tout simplement envie d’y plonger !!
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à nouveau une bien belle découverte.
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