Bernard Villiot au texte
Pierre Charentus aux illustrations
Jean-Pierre Jolicard aux musiques
Cali pour la voix
Éditions Margot

Parce qu’un jour il faut se remettre à écrire. Parce que j’ai envie de partager à nouveau. Parce que, même si c’est difficile de remonter sa pendule personnelle, parce que c’est quand même possible, parce qu’il y a tant de belles histoires à partager, à découvrir…
Ce n’est pas un hasard qu’en cette période confinante où le temps n’a plus tout à fait le même goût qu’hier, je sois allée vers Samy Bear.
Cet album est plusieurs voyages.
Un voyage à la rencontre de soi.
Un voyage à la découverte du monde.
Un voyage musical.
Un voyage à la découverte du temps.
Un voyage à la découverte de l’autre.
Samy Bear a eu une enfance contrastée, entre les quolibets des enfants de l’école à son encontre et le soulagement retrouvé chaque soir dans l’atelier de Joshua le charpentier. Grâce à l’affection que ce dernier lui porte, Samy entreprend une construction : celle d’un bateau.
Qu’est-ce qui est plus précieux qu’un rêve d’enfant ? Samy a besoin d’un bateau pour aller rencontrer son rêve, rêve précieusement gardé au fond d’une poche…de quoi peut-il bien s’agir… ?

Dans la vie de Samy il y a aussi Mrs Brown, la « vieille femme à la peau noire ». Un peu avant de mourir (c’est ce qui arrive quand on est vieux) elle lui fait cadeau d’un banjo. Lorsqu’il lui demande « Tu m’apprendras ? », elle lui répond par une pirouette.

Ainsi la pluie sera son professeur, sa pire ennemie souvent car l’apprentissage de la musique est exigeant, cruel, frustrant. Pourtant la ténacité et le temps feront de la pluie et l’enfant deux amis.

Un jour le bateau est fini, prêt à partir. La vie est faite de départs : celui de Samy est arrivé. Avant de partir il compose au banjo une mélodie en souvenir de Mrs Brown. Le résultat est tellement émouvant que le ciel se met à pleuvoir comme si toutes les larmes de chagrin du monde se déversaient en même temps. Rien de tel pour gonfler le cours d’eau d’à côté. Samy s’en va, seul avec une pie envoyée par le charpentier. Joshua a décliné son invitation : « C’est ton voyage (…). Bon vent mon garçon. ».

La vraie vie demande de partir avec juste soi. Indépendance, autonomie, tirer des enseignements des leçons parfois amères, âpres.
Ainsi commence le voyage au gré des flots. Quand l’eau commence à manquer, Samy joue le morceau de Mrs Brown pour faire pleurer le ciel et gonfler le fleuve. Un jour il fait une première rencontre : un petit homme au sommet d’un beffroi, qui s’étonne : Samy n’a rien pour se repérer dans le temps ! On ne peut pas vivre sans se préoccuper du temps, non d’un cadran ! Il fait choisir à Samy de quoi se repérer dans le temps : ce dernier choisit une pendule. Pour la remonter, trois tours de clef. Si Samy oublie de la remonter ou qu’il perd la clef, le temps simplement, s’arrêtera…

Le voyage et le temps passent. L’insouciance s’évapore au fur et à mesure que le temps passe, confrontant Samy aux épreuves de la vie. La vie c’est pas toujours gentil. La vie ça fait peur. La vie ça fait mal. Un jour il rencontre un géant, dont le chagrin manque de le faire chavirer. La rencontre suivante c’est un enfant qui a pour mission de garder la forêt depuis le ciel. Héritage familial…
Samy poursuit. « Toujours droit devant » lui a dit Joshua.

Une fois encore le voyage marque une pause avec la rencontre d’une jeune femme artiste. Cette dernière demande à Samy si elle peut faire son portrait. N’y croyant d’abord pas, (moqueries de l’enfance, méchants fantômes) Samy accepte finalement. Chaque jour ils se retrouvent dans la clairière et ils parlent. L’artiste parcoure le monde dont elle veut tout voir et tout entendre. Elle ne connaît pas le banjo. Samy lui joue un morceau. Le lendemain et les jours suivant brilleront du vide laissé par le départ de la jeune femme.


Blessé à l’âme, Samy dépérit. Le Banjo reste silencieux, la pendule non remontée suspend le cours du temps. Le fleuve non nourrit s’assèche. Le bateau s’échoue. Le regard tourné vers le passé, Samy oublie. La pie essaye de le faire réagir à bien des reprises. En vain.

Combien de temps s’écoula ? Nul ne peut le dire.

Un jour pourtant, à la faveur d’un petit vent, le rêve d’enfant parvient à réveiller Samy de sa longue torpeur. Vous vous souvenez du rêve, gardé à l’abri dans sa poche ? Sur la feuille de papier, Samy reconnaît le nom d’un certain personnage qui ne veut pas grandir – rester enfant (vous avez deviné de qui il s’agit n’est-ce pas ? ), et la carte pour un certain Pays Imaginaire…

Vous pouvez choisir la manière dont vous abordez cette histoire. Personnellement j’ai choisi de lire d’abord le texte sans écouter le CD. J’ai créé ma propre musique, mon ambiance. Évidemment la problématique du harcèlement en entrée de jeu ne m’a pas laissée indifférente et a focalisé mon empathie sur Samy. Le silence m’a permis de plonger sans retenue dans les illustrations de Pierre Charentus. L’invitation à la contemplation était trop grande pour que j’y passe juste en survolant. L’histoire de Samy ne se déroule pas rapidement. La construction du bateau, apprendre à jouer du banjo, se laisser porter par les flots, soigné un cœur brisé, tout cela est progressif, évolutif (éloge de la lenteur ??). Les illustrations, avec leurs couleurs enveloppantes comme une couverture sur les épaules un soir de printemps, me donnent envie de m’asseoir et de regarder, plonger dans les paysages, me trouver une petite place sur le bateau avec Samy et voguer, et regarder encore…(contemplative que je suis). Place au mordoré, aux nuages orangés, au ciel rougeoyant, aux ombres bleues, à l’eau turquoise…
Et puis après m’être abîmée, noyée dans les images, je me suis décidée à écouter le CD. La première fois, je l’ai écouté….dix fois de suite. Je suis partie en transe sur la musique. Peut-être parce que mon côté danseuse folk et âme celtique a retrouvé dans les notes de Jean-Pierre Jolicard un je ne sais quoi de bluegrass, de balade irlandaise (hopla polka !!!). L’envie de soirée au coin du feu avec Miss Brown s’est mêlée à celle irrésistible de danser sur le morceau La Montgolfière (l’effet tin whistle et cuillères sans doute). Bravo banjo ! La voix de Cali, qui se fait conteur pour l’occasion, nous accompagne sur le chemin des mots de Bernard Villiot. Ces mots, dont la musique à elle seule suffit à ouvrir les porte du voyage.

On pourrait ouvrir la discussion à propos de « qu’est-ce que le temps ? ». La question est plus qu’en filigrane. Le temps météo – la pluie – la sécheresse ? Le temps qui passe – trop vite – pas assez vite – temps suspendu (O Temps ! Suspend ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours (…) .oups, digression, quelques mots d’un poème lointain étudié jadis…merci Lamartine), si vite qu’on en oublierait de vivre au présent.. ?
Pour faire un petit parallèle avec notre actualité un peu particulière : qu’est-ce que c’est deux, quatre, six, huit semaines dans une vie ?

On pourrait aussi discuter des choix qu’on fait pour soi, de quel itinéraire de navigation souhaite-t-on pour sa vie, de comment trouver à l’intérieur de soi ce petit truc, cette étincelle qui fait qu’on est nous et unique. Samy sait faire tomber la pluie et réjouir les oreilles avec son banjo. Le Géant découvre que son infortune peut être détournée pour aider les autres, l’enfant assume sa mission de gardien… Ceux qui ont permis à ce livre de voir le jour en ont une sacrée…étincelle ! Ne seraient-ils pas tous un peu Peter Pan..?

J’espère que cette présentation vous aura donné envie de rencontrer tout ce joli monde. Car c’est un fait, on rencontre beaucoup de gens quand on découvre cette histoire. Alors tellement merci Samy, Bernard Villiot, Pierre Charentus, Jean-Pierre Jolicard et ses musiciens, Cali et les éditions Margot et le banjo !


Et si vous avez envie d’en entendre un peu plus, les éditions Margot nous font un chouette cadeau…par ici :
http://editions-margot.com/parutions/le-voyage-de-samy-bear.html
Pour les amoureux des voyages, de la contemplation, de la musique, des mots…

oh comme je suis super mais alors super contente de te lire à nouveau. Et là, quelle longue et belle écriture. Merci pour cette découverte, pour les sons mis en ligne, merci merci. Vivement le prochain texte, mille bises.
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Je viens de tomber sur votre article, merci beaucoup, je suis touché 🙂
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