La nuit des courges ensorcelées

Yves Blanckaert et Anne Buguet

Seuil jeunesse

Quel titre intriguant…

Ce conte à l’ambiance rudement automnale nous transporte à une époque moyenâgeuse. Dans cette contrée de Marchiennes, une sorcière fort cruelle est restée après avoir eu un pied broyé par un piège à loups. Depuis, elle terrorise le village. Installée dans un marais, la Cormoignon ramasse, cueille, rassemble de quoi concocter des potions maudites. Si les habitants ne se plient pas à ses exigences, elle se venge impitoyablement, bouleversant les éléments ou d’un regard, en transformant les gens en corbeaux. Pour comble d’infortune, la mégère est dotée de l’immortalité. Ce calvaire ne trouvera donc jamais de fin ?

Il faut attendre le jour où, dans le potager de la plus vieille et pauvre femme du village, un bébé albinos et aveugle fut trouvé. Autour de son cou, il avait un collier de perle renfermant des graines étranges. Adopté par le village, l’enfant prénommé Alban grandit, s’épanouit paisiblement. Un jour premier de l’an, il révéla au villageois ce qu’il allait falloir faire pour se débarrasser de la sorcière. A chacun il confia une perle, laquelle renfermait une graine mystérieuse. Quand les différentes graines donnèrent enfin des fruits, le résultat fut des plus surprenant : jamais on n’avait rien vu de tel auparavant !

Entre le texte exigeant d’Yves Blanckaert et les illustrations à la fois admirables et rudes d’Anne Buguet, tout y est pour que le voyage soit complet. L’ambiance flamande à la Bruegel l’ancien habite chaque double page. La finesse dans les détails invite à y revenir encore et encore, pour observer les grands paysages ou scruter les insolites éléments deci delà, comme ces curieux lutins ou bien ces escargots rampant sur le parchemin du texte…

L’automne et l’approche de la Toussaint est une période à laquelle j’aime à replonger dans ce conte. Il a ce côté intemporel que je recherche, avec quelques clichés peut-être (concernant la sorcière notamment), mais avec un texte audacieux, aux descriptions pointues, émaillées de lexique précis qui sollicitent de manière égale les sens et les émotions. La cruauté s’abat injustement sur une populace innocente qui ne peut que subir pour survivre. La représentation tyrannique qui ploie des gens à son seul caprice est terriblement universelle. Si la description de la Cormoignon n’est que laideur et difformité, on comprendra que l’apparence extérieure est en adéquation avec sa malveillance.

Pour contrer la méchanceté, point de bonne fée mais des cucurbitacées ! Si cela peut paraître un tantinet insolite, j’y perçois un rappel (au cas où nous l’aurions oublié) : la vraie magie naît de la terre… Il convient de considérer avec admiration la diversité de formes, couleurs et saveurs de ce qu’elle nous offre. Heureusement pour nous, les courges se désensorcelèrent à la fin du conte, pour le grand bonheur des papilles de tous le village (et les nôtres, si l’on considère qu’il y a là une légende racontant leur apparition).

D’ailleurs il est temps que je fasse un sort aux courges qui attendent dans ma cuisine : que diriez-vous d’un velouté de giraumon et d’une tarte au potiron ?

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