Ode à un oignon

Pablo Neruda et sa muse

Alexandria Giardino et Felicita Sala

Éditions Cambourakis

Je n’aime pas les oignons, mais alors pas du tout. Mon estomac ne les supporte pas. Aussi jugez de ma surprise en découvrant le titre de ce livre. L’approche fut un mélange d’attirance-répulsion, comme si en l’ouvrant j’allais être assailli de vapeurs pleurantes. Et puis j’ai aperçu « Pablo Neruda » et là, une partie de mes armes sont tombées. Pablo Neruda : personnage magique, réveillant la sécurité de l’enfance et quelques souvenirs de moments passés dans une école qui portait son nom. (Pablo Neruda, un prénom et un nom pour une madeleine de Proust)

Le poète est en proie à un tourment : écrire sur un sujet dur – les mineurs et leur labeur – empathie déferlante. Rien ne semble plus avoir de saveur en dehors de la douleur. Pourtant l’heure du déjeuner approche et il est temps de rejoindre Matilde, sa compagne, son sourire, son amour.

Matilde encourage le poète à revenir ici et maintenant, quitter pour un temps les émotions et les mots pour aller dans le jardin chercher quelques légumes. Il faut bien se nourrir. Direction le jardin à la rencontre des tomates et des fenouils. Leurs entremêlements semblent une bataille à Pablo alors que Matilde y voit un tango. Plus tard il s’attriste de la séparation du couple formé par l’ail et la rose puis il anticipe les larmes provoquées par l’oignon. Matilde s’amuse de la mélancolie du poète, et puisque le jardin n’a pas suffi à dissiper l’ennuie de Pablo, une nouvelle étape l’attend : couper l’oignon.

Album éminemment sensoriel. On entend tout du jardin, on sent la petite brise qui se faufile entre les rayons du soleil, on est capté par les couleurs de la terre et des fleurs, on respire l’instant présent avec la musique des bruissements. Les illustrations de Felicita Sala laissent transparaître toute la délicatesse du jardin potager et s’accord avec sensibilité aux mots d’Alexandria Giardino. Je les remercie pour cet album autant que le poète qui les a inspirées.

Pablo coupe l’oignon. La vapeur du légume monte jusqu’au poète et ce qui devait arriver…les larmes se mettent à couler.

A travers leur rideau au début, il ne voit rien. Petit à petit il distingue ce qu’il n’avait pas vu. Dans le sein du noir de la terre l’oignon s’est développé, attendant sa mise à la lumière pour être révélé, et sa mise en bouche pour être aimé. Bouleversé, Pablo songe : dans les petites choses se trouve le bonheur. Dans les petites choses se trouvent nos ressources de joie et la possibilité d’éloigner les soucis.

Quand la tête s’échauffe, il faut revenir au corps. Quand l’esprit et les idées s’emballent, il convient de ressentir, en pleine conscience :  

Qu’est-ce que je vois ?

Qu’est-ce que je sens avec mon nez ?

Quelle est la sensation du couteau dans ma main ?

Et quand je coupe l’oignon ? Et quand je le croque ?

Matilde l’a dit : « Mais d’abord mangeons ». C’est un sujet sur lequel tous les hommes s’accorderont : il faut manger pour vivre. Faute de réconcilier mes papilles avec les oignons, cet album a le mérite de me rappeler une chose essentielle :  la considération d’une chose dépend de l’angle avec lequel on la regarde et de la bienveillance qu’on lui accorde à un instant T. Puisque l’oignon a révélé sa sensibilité au poète, ce dernier lui rendra hommage avec des mots, avec une ode.

Cet album est un hommage aux choses simples, telles que Pablo Neruda les a célébrées et qu’il continue à le faire à travers sa poésie, intemporelle, éternelle.

Pour tous les poètes de la vie !

Un avis sur « Ode à un oignon »

  1. j’avoue que c’est bien la première fois que je vois un livre sur ce sujet 😉 et c’est beau, une belle histoire, oh merci pour cette trouvaille.

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