Le Vilain Petit Canard, Le Vieux Réverbère

Hans Christian Andersen et Loren Bes

Éditions Bilboquet

Un album, deux histoires, deux parcours de vie, initiatiques et complémentaires.

L’album étant recto-verso, libre à chacun de commencer par le conte de son choix.

Aujourd’hui je commence par le célébrissime Vilain Petit Canard. Vous connaissez tous l’histoire incontournable de ce «canard» soit disant disgracieux, rabroué en permanence par sa famille, sa communauté volatile et par quasiment tout ceux dont il croisera le chemin au cours de sa première année de vie…qui se révèlera être en réalité un cygne. Les éditions Bilboquet ont fait le choix du texte original. La langue y est riche, développée, non édulcorée (et ça, ça me plaît beaucoup !).

C’est l’occasion d’engager le dialogue avec les enfants autour des notions de différence, tolérance, racisme, différence, exclusion et choix. Car c’est un fait, « choisir » est en filigrane tout au long du conte : le choix de la cane de continuer à couver cet œuf, le choix du canard de partir une première fois, puis une deuxième, une troisième…

L’enfance peut être cruelle, brutale. Le temps peut paraître bien long quand chaque nouveau quolibet réveille la douleur des nombreux précédents. Le Vilain Petit Canard c’est le conte de la résilience, de l’espoir qu’il y a en ce monde des êtres qui nous ressemblent, qui nous reconnaissent comme leurs pairs avant même que la conscience de la ressemblance n’ait pu apparaître en pleine lumière…

Le parcours initiatique est évident, et quand on s’attache à regarder de plus près l’enfance d’Andersen, le conte s’auréole d’un parfum différent, d’espoir et de lumière !

De l’autre côté de l’album, les éditions Bilboquet nous font faire connaissance avec Le Vieux Réverbère. Il compose, avec le premier conte, les deux facettes de la médaille : le revers de la jeunesse et d’une vie bien remplie. Nous les rencontrons via les états d’âme de ce réverbère qui doit être démonté dès le lendemain. Il ne sait pas quel sera son sort. Il redoute d’être conduit à la fonderie. Alors à la veille de sa dernière nuit de travail, il se rappelle de quoi fut faite sa vie. Il pense à son amitié avec le vieux gardien, aux confidences amoureuses qu’il a jadis éclairées, aux tristesses qu’il fut le seul à voir…On peut être de métal sans être de marbre. Des adieux sont échangés avec la lune, avec le vent.

Digne de l’univers de Tim Burton ne trouvez-vous pas ?

Le lendemain ne le conduira pas à la fonderie, mais chez le vieux veilleur de nuit, son ami. Avec son épouse, ils avaient tenu à lui faire une place dans leur petit logis. C’est une nouvelle page de vie pour le vieux réverbère, au chaud et à l’abri. Mais vite, il s’ennuie. Il se perçoit inutile dans sa retraite paisible. Il spécule sur un futur bien sombre, il rumine sur ce qu’il adviendra de lui le jour où les deux petits vieux seront morts…Quand soudain il réalise que vivre dans le passé ou dans un hypothétique futur ne le rend pas heureux.

La magie d’Andersen réside dans le fait de parvenir à susciter des émotions pour un objet inanimé tellement commun qu’on en oublie sa présence dans le paysage urbain. L’anthropomorphisme fait mouche et touche, prête à sourire ou à frissonner. Contrairement au Vilain Petit Canard, le Vieux Réverbère n’est pas maître de sa destinée. Anonyme utile, il ne peut que faire le choix de vivre au présent, accueillant la douce affection du vieux couple, les deux seuls qui se préoccupent de lui, qui l’aiment.

La vie est faite d’étapes, de transitions, de changements, de deuils aussi. Le vieux réverbère craignait d’être fondu, de disparaître puis il admet mal sa reconversion en objet de décoration. Le temps de l’acceptation viendra, avec lui la sagesse de laisser les rêves au monde des songes et la conjugaison du verbe « vivre » au présent.

Ces deux contes, ces deux parcours tortueusement surprenants prennent vie sous les pinceaux de l’étonnant Loren Bes. Il a ce talent de semer moult petits détails qui confèrent plusieurs atmosphères aux illustrations (personnellement j’ai un faible pour les chats-girouette et pour le haut de forme du canard !). Tantôt je suis happée par les flous et fondus de couleur, une autre fois ce sera le mouvement qui me fascinera. Cela résonne de la poésie des quatre saisons, de la nostalgie romantiquement torturée qui caractérise si magnifiquement Andersen. Des illustrations où les émotions affleurent jusqu’au lecteur, parlantes au-delà des mots : COUP DE CHAPEAU !!!

Il y a un carnet de croquis de recherche entre les deux contes, pour ceux qui sont curieux de voir la naissance des illustrations !

Un avis sur « Le Vilain Petit Canard, Le Vieux Réverbère »

  1. encore une merveille. Celui-ci je ne l’ai pas encore c’est une belle découverte avec un univers tellement magique, poétique….. je suis fan. Je vais le noté sur ma liste de prochains….

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