Phoebe Wahl
Les éditions des éléphants

La jeune Sonia se voit confier par son papa la responsabilité de trois poussins. Jour après jour la fillette s’en occupe consciencieusement et avec affection. Bien nourris, les poussins laissent place à trois belles poules. Sonia prend son rôle très à cœur.



Une nuit Sonia se réveille : il y a du rififi dans le poulailler. A tâtons elle sort pour aller voir ce qui se passe : c’est le choc quand elle s’aperçoit qu’une de ses poules a disparu, certainement emportée par un renard. Dans les bras de son papa, Sonia laisse son chagrin se déverser.



La colère se substitue au chagrin. Pour ne pas laisser l’enfant nourrir une rancœur contre le renard, le papa explique à Sonia que le renard chasse pour la survie de ses petits. Il a pour objectif de les nourrir, de les protéger, tout comme le père protège l’enfant. L’instinct ne se préoccupe pas des limites de propriétés quand des renardeaux ont faim. Sans effacer la tristesse, le cœur de Sonia fait quelques pas sur le chemin de l’apaisement.

La mort d’un animal peut faire très mal, a fortiori quand elle arrive de manière brutale. La petite Sonia n’avait pas envisagé que ses poules pouvaient être en danger. Elle pensait avoir tout fait pour leur sécurité. Pourtant ça n’a pas été suffisant. Parfois on pense avoir fait le maximum et ça ne suffit pas. C’est comme ça. L’enfant fait la douloureuse expérience du deuil d’un être cher. Dans les phases du deuil il y a le passage par la colère avant l’acceptation. Les leçons de vie nous apprennent qu’il y a des choses qui nous dépassent.
Le père joue ici un rôle de médiateur en accompagnant son enfant, d’abord en respectant ses larmes, puis en lui expliquant que la vie s’organise en proies et prédateurs. C’est une des lois de la Nature. Peut-être qu’indirectement, cette histoire peut permettre de faire un pas vers la compréhension de l’organisation des chaînes alimentaires. Après tout, l’équilibre de la vie dépend complètement de l’équilibre de ces relations. Un maillon en moins et c’est la déroute assurée.

En ritualisant le deuil par une petite cérémonie, la famille de Sonia ré-établit un lien avec la poule disparue. Par cette action, Sonia est active en focalisant ses souvenirs sur les bons moments passés avec sa poule. Le chagrin peut s’exprimer dans un moment donné, un endroit donné. Ce faisant, l’enfant se replace dans son présent, sans tourner en rond sur le passé ou l’évènement traumatique. Le deuil ayant un cadre, un lieu où se recueillir, il débordera moins sur le quotidien.


La vie est une question de points de vue. Mon côté « empathie débordante » avec les animaux a eu un hoquet quand la poule a été emportée par le renard. Et en même temps j’aime beaucoup les renards. Leur persécution actuelle par le monde de la chasse m’est hautement insupportable. J’apprécie qu’un album permette la considération de plusieurs points de vue. Chaque espèce a pour objectif de nourrir ses petits, par conséquent la mort d’un animal permet à l’autre de vivre. Les humains ne font pas exception. La vie continuant, chemin faisant, le temps se chargera de cicatriser les douleurs en accompagnant le regard ici et maintenant vers ceux qui restent, et ceux qui arrivent.

Le texte se fond tantôt dans les couleurs vives de l’ambiance chaleureuse de la maison, tantôt à l’extérieur avec la forêt majestueuse. Si on peut être dérouté par l’apparente dureté du thème, on conviendra que quel que soit l’âge, les occasions d’ouvrir ses représentations à d’autres points de vue sont toutes bonnes à accueillir. Merci Phoebe Wahl de nous rappeler que nous sommes un maillon de la vie au milieu d’autres maillons, tous interdépendants les uns des autres.

