Être ou ne pas être à la hauteur
Laure Sirieix et Chiara Arsego
Les messagers Bilboquet

Bertille est grande pour son âge. Très grande.
Louis à l’inverse est petit. Très petit pour ses dix ans.


Et chose curieuse, les gens ne peuvent pas s’empêcher de leur faire des remarques plus ou moins directes, plus ou moins humiliantes à propos de leur taille. Comme si les enfants n’étaient pas conscients de cette particularité de leur physique à chaque instant de leur vie. Bertille sera tenue de se trouver un prince charmant à sa taille, ainsi que lui a assené la cliente du supermarché ; Louis devra épouser Poucette, dixit la vendeuse de vêtements. Leur quotidien collectionne les remarques de cet acabit, isolant les enfants du reste du monde, creusant leur sentiment d’isolement en puis sans fond.



Alors qu’ils sont tellement plus que leur taille ! N’y a-t-il personne pour reconnaître le talent de Louis en électronique ? Personne pour valoriser Bertille dans sa passion pour la lecture ? Les jours passent. Bertille et Louis trouvent refuge dans leur univers. Ils passent tellement de temps le nez en l’air où les yeux baissés qu’il leur faudra du temps avant de se rendre compte qu’ils sont dans la même classe, à subir les mêmes quolibets au quotidien.


De cette infortune naît instantanément un lien très fort, tissé sur les écheveaux de la moquerie et des préjugés. A deux on est plus fort ! Dans leurs regards respectifs qui font fi des apparences, chacun perçoit la richesse et le potentiel de l’autre. Leur sincère et mutuelle admiration leur fait pousser des ailes de confiance, et plus précieux encore, d’amitié. Finie la solitude !

C’est triste et révoltant de lire le consensus cruel que toute différence est pointée, pointée et pointée encore, parce que les représentations de certaines personnes impliquent une uniformatisation de la société. « Tous dans le même moule » semblent hurler les camarades de classe, le coiffeur, la vieille dame… Comme si on pouvait y faire quelque-chose. Et la révolte me prend encore en songeant aux autres motifs fallacieux de raillerie : seriez-vous un peu enveloppé, trop maigre, rouquin, aux yeux vairons, avec six orteils ou les oreilles décollées que vous pourriez trinquer dans le même verre que ces enfants. Elle est dans le juste, Laure Sirieix, en pointant de façon aussi appuyée l’absurdité de ces mauvaises plaisanteries. L’empathie du lecteur est activée et je ne peux m’empêcher d’espérer que cela créera des ponts, des prises de conscience relatives au quotidien.

Heureusement que la valeur intérieure ne se niche pas dans les centimètres. Pour tenir la relation avec eux-mêmes, Bertille et Louis, les deux opposés de taille et de centres d’intérêts s’isolent des autres. Jusqu’à ce que l’union des contraires génèrent une force capable de dépasser toutes les limites : la porte des rêves et de l’ambition s’est ouverte. Y a plus qu’à foncer !

Pour magnifier ce texte, Chiara Arsego nous embarque avec sa palette merveilleuse de rouge et sépia. Elle campe les fragilités, les fêlures, la douleur intérieure, le potentiel qui ne demande qu’à s’épanouir, l’amitié naissante, les étoiles dans les yeux… avec cet esthétisme qui lui est propre et que j’aime si fort !

Vous l’aurez compris, mon coup de cœur pour cet album est total ! Que vous soyez un peu Bertille, un peu Louis, un peu autre chose, j’espère que cet album vous inspirera, qu’il vous invitera à davantage de bienveillance envers vos petites particularités et celles des autres. Et qui sait, à escalader les montagnes et sauter sur la lune !


« J’espère que cet album vous inspirera, qu’il vous invitera à davantage de bienveillance ». Cette phrase résume le livre ! Grands et petits, nous sommes confrontés, au quotidien, aux regards et critiques des autres, nous en souffrons en silence. Oh combien le cœur s’emballe quand on rencontre la bienveillance, la compréhension et le respect de la diversité, richesses du monde 💗
Vivement recevoir un jour ce livre
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