Marie Tibi et Baptistine Mésange
Éditions Cépages

Depuis l’album La toute petite voiture de Jeanne (mon article à retrouver par ici: https://clarasurlalune.com/2020/02/12/la-toute-petite-voiture-de-jeanne/ ) , je suis conquise par le duo Marie Tibi et Baptistine Mésange. Lors de mes vacances bretonnes, dans une librairie j’ai rencontré Hoel. Nous nous sommes aperçus, reconnus : nous aimons tous les deux l’océan et les Fous de Bassan !



Une île déserte : c’est là que Hoel a choisi de vivre. Seul. Loin de tout et de tout le monde. Loin de ceux qui pourraient se moquer.


Car on s’est moqué de lui il y a longtemps. Pire que les mots qui blessent, il y a les pierres qu’on jette. Pour éviter la souffrance du rejet, Hoel s’est éloigné, isolé, ne supportant la compagnie que des oiseaux marins, des vagues et autres poissons volants. Sa boîte aux lettres ne reçoit jamais de courrier : cela confirme à Hoel que son isolement est réussi et de cela, il est très fier. Pourtant chaque soir, il place une bougie dehors : pourquoi fait-il cela ?


Il est des mots qui font plus de mal que les couteaux. Les blessures à l’âme sont parfois plus douloureuses que les cicatrices. Hoel a appliqué l’expression « ce sont les plus gênés qui s’en vont ». En se persuadant que c’était le mieux pour lui, il s’est bien puni. Puni de quoi au fait ? D’être comme il est ? De ne pas pouvoir être différent ?
En s’isolant sur son île déserte il s’est enfermé dans un cercle vicieux : celui de ne pas pouvoir se créer de rencontre enrichissante. Pire, il ne se donne pas la chance de vivre pleinement heureux. Je ne sais pas s’il y a pire enfermement que le déni de tristesse…

Heureusement, pour lui, les intempéries (ou le destin) veillent et un jour, Ahé accoste sur l’île. Il est pêcheur d’étoiles et son bateau est un peu abîmé. Il doit le réparer donc il demande à Hoel s’il peut rester. La réponse vous vous en doutez…
L’espoir est permis : un cœur blessé peut se réparer et s’ouvrir à l’amitié.

Avec la délicatesse qui les caractérisent, l’une aux mots l’autre aux pinceaux, Marie Tibi et Baptistine Mésange nous offrent un album habile et subtil. Hoel est cerné par un océan d’émotions, et son vague à l’âme trouve l’apaisement dans l’incessant ressac. S’il est rassurant en apparence, au fond le sentiment de solitude pique et Hoel sent bien au fond de lui que la situation devra changer, un jour…peut-être…sûrement…mais ça lui fait peur. Se confronter au monde : pas question ! Par contre si le vent tombe et laisse Ahé sur l’île, c’est différent…Certaines rencontres s’imposent d’elles-mêmes, pour le meilleur…




Le regard des autres qui tue – le regard des autres qui guérit. Difficile d’exister sans ce miroir quand on est des êtres de langage. Hoel a fait la douloureuse expérience du pire. Quand un enfant est confronté au rejet dans ses jeunes années, comment le persuader que la situation n’est pas gravée dans le marbre ?
La différence, cette richesse fabuleuse si lourde à porter quand les épaules sont jeunes, qui pour l’apprécier ?
Suivre le mouvement collectif et perdre de vue sa lumière intérieure…des fois on croit que c’est la seule option. Et si les vraies amitiés se trouvaient hors des sentiers battus ? Je crois en le pouvoir des albums, qui métaphorisent la vie réelle et sont porteurs de ce qui manque parfois ici et maintenant : l’espoir qu’un jour ça ira mieux.

Les mots de Marie Tibi sont comme un rayon de soleil après l’orage. Les illustrations de Baptistine Mésange sont la tasse de chocolat qu’on sirote à petites gorgées derrière la fenêtre pendant la pluie. Douceur et chaleur pour diluer la mésestime de soi et faire germer l’étoile de l’espoir. Ce livre est un baume à appliquer sans modération !



