Les minuscules

Claude Clément et Tildé Barbey

Éditions du Pourquoi Pas

Que sont ces « minuscules » : des personnes – des enfants – des grains de poussières comme ceux qui auréolent étrangement le garçonnet représenté sur la couverture du livre ?  

Ou des grains de sables qui envahissent tout après le passage des bombes… ?

La bombe est tombée sur la maison de Bassem, ne laissant qu’un trou béant à la place du foyer et de ses occupants. Dans la ville sinistrée, chacun y va de sa petite initiative pour ne pas se laisser envahir par le désespoir. Dans son jardin, la vieille Nawal rassemble « quelques plants de fleurs et de légumes ». Shadia tient précieusement contre elle son chaton, petit miraculé dans cette tourmente. L’instituteur entreprend de mettre les livres à l’abri les livres de l’école en partie détruite. Les survivants se rassemblent. Dans un chariot, quelqu’un amène de l’eau. Au milieu de ce chaos, quelqu’un joue du piano.

La guerre fait rimer enfance avec violence. Qui sont-ils ceux qui souffrent du délire des puissants ? Le peuple c’est les petites gens, les ordinaires, les enfants. En une fraction de seconde, Bassem est devenu orphelin. Combien d’autres Bassem y a-t-il au passé et au présent dans ce monde ? Combien seront-ils demain ?

Les mots de Claude Clément se font l’écho de leurs voix lointaines. Elle écrit l’état de choc, celui qui pousse les jambes à avancer mais qui empêche le chagrin de se déverser. Dans l’abomination post bombardement, le collectif empêche de sombrer dans le néant. L’instituteur tire un livre de sa poche et commence à raconter une histoire. Suivant une impulsion, des comédiens attrapent parmi les gravats de quoi improviser un théâtre de marionnettes. Les coudes se serrent, les regards se cherchent. Quelque part, on replante des graines, on les arrose. L’eau pénètre dans la terre pendant que les larmes se fraient enfin un chemin vers les yeux.

Un chaton, des plantes, des livres, de l’eau, de la musique… infimes choses en apparence, minuscules. Pourtant présentement, ils sont des fragiles radeaux sur l’océan du désespoir. Tildé Barbey pose sur les illustrations du sable en volute tourbillonnantes, envahissantes, désespérantes, douloureux trait d’union entre la vie d’avant et ce terrifiant présent. Quelques notes de musique, des graines miraculées, les livres d’enfants, un spectacle improvisé et la force de la solidarité parviennent, au fil des pages, à faire refluer ce sable funeste. Ensemble, on peut créer une brèche pour laisser l’espoir se faufiler.

C’est le cœur bien serré que j’ai traversé cet ouvrage. Avec mes chroniques récentes de L’homme aux chat d’Alep et La lionne, le vieil homme et la petite fille, j’y pense souvent à ces minuscules petits gestes portés par des humains fracassés par la guerre. J’y remarque que la solidarité est intergénérationnelle, que les animaux ne sont pas oubliés.

Me prend soudain une révolte, une colère contre ce minuscule qui m’enveloppe aussi, qui malgré ma révolte absolue contre les atrocités des guerres ne parvient pas à faire plus… que de partager les mots des autres.

Mais je vais continuer, pour que celles et ceux qui sont les acteurs des précieux minuscules persistent. Ce sont eux qui sauvent le monde et il faut porter leurs VOIX en majuscule !

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