L’enfant rêve. Elle rêve d’un éléphant qui avait un rêve. Pour le réaliser, il a « seulement besoin d’une paire d’ailes »…
Elle décide de l’aider.
Alors évidemment que dans le monde des rêves, s’ouvre la porte du « tout est possible ». Dumbo avait besoin d’une plume, ici l’enjeu est dans les ailes. Mais quelles ailes choisir ?
Immaculées comme celles de cygnes ?
Couleur de nuit de chauve-souris ?
Tournoyantes comme les samares des érables ?
Ensemble, éléphant et fillette cherchent, tâtonnent, essayent. Que vont-ils créer ? Il vous faudra le découvrir dans le livre…
La vie c’est ainsi. Parfois on fait la bonne rencontre. Celle qui offre sa confiance, qui met en lumière les pistes possibles et non les « trop gros, trop beau, trop petit, trop grand, trop loin, trop fou, trop dangereux, trop bête, trop ceci, trop cela…». Cet album me murmure au creux de l’oreille cette réponse : « Et pourquoi pas ? ». Solidarité, entraide, confiance dans un ouvrage qui prend le contrepied du monde rationnel. Le rêve est-il trop grand pour ce grand et lourd animal ? Merci Sarah Khoury de nous donner à lire et à voir avec une infinie bienveillance que le tout est de s’autoriser un peu de temps pour trouver les bonnes ressources, faire le bon dessin, et apprivoiser ses ailes avant de les déployer complètement !
L’éléphant rêve. La fillette rêve de l’éléphant…De quoi la fillette rêve-t-elle au juste ? Qui cherche ses ailes ? J’espère que son rêve lui laissera, quelque-part, la délicate sensation du battement d’aile d’éléphant. Peut-être sera-t-elle aussi puissante pour la confiance en soi que celle du papillon…
Morceaux de dentelles, fragments brodés, étoffes bigarrées comme autant de souvenirs d’une vie, une vie si longue que Blanche n’a presque plus de place dans sa mémoire.
L’ouvrage raconte Blanche Corbeau, ses souvenirs et son présent, sa solitude, ses rituels et joies d’antan dans un patchwork noir et blanc rehaussé de battements d’ailes colorées. Quand le temps de l’oubli s’en vient, ne subsiste que le fugace présent. Sous la plume de Marion Boulé, il a le goût des « pâtes de fruits à la groseille et tisane de romarin ». Au fil des pages on rencontre l’aïeule, la mère, la fillette. On remonte les âges, on redécouvre la légèreté et l’insouciance de l’enfance, rire aux lèvres et cheveux au vent.
L’oxymore du titre trouve son écho dans la partie subtile que jouent ombres et lumières. Elsa Ohana grave, imprime l’immobilité et l’envol, la douceur du chat noir et du foyer, la maison personnifiée et les fleurs qui éclosent dans des nids de tignasses d’enfants de sept ans.
Blanche Corbeau pourrait être ma grand-mère (sauf que ma grand-mère n’a connu qu’une guerre, qu’elle avait un petit chien et qu’elle préférait le chocolat aux pâtes de fruits). Elle incarne la grand-mère universelle, témoignant en pudeur de la successivité des époques, comme un trait d’union avec l’Histoire. Loin d’être triste, cet ouvrage est étrangement réconfortant.
La poésie des images et des mots se tissent, variant les motifs et les émotions. Le tout ne peut laisser indifférent. Chacun y entendra un écho bien à soi. Moi j’y trouve une invitation à rechercher les saveurs, odeurs, anecdotes précieuses qui réveillent un coin de sourire (comme le goût de la tarte aux cerises de Montmorency…).
Jamais deux sans trois : trois articles en moins d’une semaine qui concernent un ouvrage des Éditions du Pourquoi Pas…
Avant de commencer la lecture de cet article, je vous suggère d’installer en filigrane audible, ainsi que Thomas Scotto nous le suggère, la voix d’Anne Sylvestre avec « Une sorcière comme les autres ». Vous comprendrez…
Se pourrait-il que derrière le rideau de fumée romantique des grands classiques des histoires pour enfants se cachent des situations peu enviables ?
Quid de la représentation de la femme dans les contes ?
En vérité, il fallait la plume de Thomas Scotto pour tirer nos esprits de la torpeur et engager la réhabilitation des héroïnes, ces femmes ordinaires adulées, convoitées, oubliées… Depuis que les contes sont, la femme répond à un certain nombre d’injonctions : beauté, sensibilité, servilité. On les reconnaît à tour de rôle, bien qu’elles ne soient jamais explicitement nommées. Tantôt prisonnière à délivrer d’une tour ou d’un cachot, subissant fuite dans l’ombre ou un trop plein d’exposition, il leur faut souffrir avec le sourire. On le sait depuis l’enfance : la vie de rêve livrée happy-end est à ce prix.
Plaît-il ?
Est-ce enviable ? En vrai, si l’option du choix faisait partie du jeu, choisiraient-elles (choisirions-nous) ce destin ?
Dans un ouvrage qui tient de l’écrin, papier-velours relié de fil rouge, le manifeste poético-féministe est né de la plume…d’un homme.
Exit la poudre aux yeux et l’hypocrisie. Allons filles des contes, contre vous de la tyrannie, réveillez-vous. Crachez vos pommes, coupez vos cheveux, effondrez vos tours, oubliez vos princes et vos bourreaux. En vérité, c’est bel et bien un engagement dans la rébellion.
Encore une fois, dans un parallèle avec l’actualité, je m’interroge : sous le prisme d’une réalité que certains pays pratiquent, en confinant filles et femmes à la maison avec pour seul espace de liberté, une petite cour ou un balcon…filles des contes, êtes-vous si loin de moi ? La frontière est mince du papier à la réalité.
Aux filles du conte s’ouvre sur une peur bleue, alias une fillette crayonnée par Frédérique Bertrand, dont le contour déborde comme s’il peinait à se contenir dans un carcan devenu soudain trop étroit. Les corps se réveillent, les écorces craquent, la mue démarre, la métamorphose s’affirme. Le rouge arrive. Il repousse les petits pois dissimulés sous les matelas. Il offre la passion de vivre dont il faut saisir le mouvement, l’effondrement, la tempête peut-être, l’envol sûrement !
Toutefois, un murmure, une petite question, un infime doute pointe le bout de sa truffe. Que fait-on des représentations clichées de ces messieurs, toujours chevauchant au vent sur un grand cheval blanc ? Ont-ils choisi les combats épiques, les sauvetages de princesse en détresse, les mariages arrangés, les royaumes à « royaumer » ?
Si on donnait la parole aux Fils du conte, oseraient-ils parler, et remettre en cause leurs destins tout tracés ?
Tout est dans le titre, ou presque. Un roman, deux auteurs, et le regard de trois personnages sur la guerre qui se répand en Syrie.
Il y avait la vie d’avant pour Maya, Hamid et celle encore d’avant pour Labiwa.
Labiwa est une lionne. Arrachée à la savane elle doit dorénavant subir la captivité du zoo, la curiosité oppressante des visiteurs, leurs regards condescendants et l’absurdité d’une cage bétonnée. Quand la guerre arrive jusqu’à elle, la fatalité de son destin devient insupportable à lire…Qui se soucie d’un zoo quand les bombes pleuvent et que les routes sont des champs de mines ?
Fort peu de monde en réalité, sauf pour venir faire provision de quelques précieux litres d’eau de la citerne. C’est bien ce qui a conduit Hamid à braver le danger de l’extérieur. Un peu d’eau, ce breuvage indispensable à tout être vivant et dont les animaux sont privés. Au milieu des carcasses, Hamid croisera Labiwa et il ne détournera pas le regard.
Pour moi, quelques larmes à la lecture de l’eau qu’Hamid donne à la lionne : la simplicité de ce geste n’a d’égal que la grandeur d’âme qu’elle recouvre. Oh que cela m’a émue…Quand le chaos règne, quand l’humanité semble en totale déroute, pourquoi continuer à vivre ? Hamid est vieux, malade et sa famille a fui la guerre. Le malheur de la lionne et l’injustice de sa situation sont parvenus jusqu’à lui. Humain, animal, tout à la même enseigne sous un ciel de guerre. Vraiment ? Vraiment, est-ce que la captivité n’est pas déjà l’infortune suprême ?
Maya échoue auprès de Labiwa après un accident. En voulant aider sa mère, en sortant malgré l’interdiction, en espérant ramener un peu d’eau, c’est arrivé. Une mine a explosé. Maya se réveille à l’hôpital, dont on la laisse partir seule malgré son amnésie. Commence l’errance dans la ville en guerre, à la recherche de soi-même et où le seul point d’ancrage devient la lionne survivante.
S’émouvoir du sort des animaux en général en dit long du respect que l’on porte au Vivant. Probablement que je retiendrai de cet ouvrage que la solidarité peut prendre bien des formes. Point n’est besoin d’exclure des considérations les animaux sous un fallacieux prétexte de suprématie humaine. (oups, voilà que je m’enflamme…le sujet m’est cher, ceci explique sans doute cela).
C’est encore un déferlement de sentiments qui m’a traversée tout au long du roman. Impossible ne pas songer à l’actualité, ni de relier le désespoir d’Hamid et Maya à celui qui est relayé en permanence par les médias. La guerre semble être un catalyseur de survie mais tout le monde ne paye pas le même tribut. Il y a ceux qui fuient, ceux qui restent, ceux qui comprennent, ceux qui insultent. Il y a ceux qui partent à la guerre, comme le père de Maya. Il y a ceux qui soignent jour et nuit les blessés. Il y a ceux qui en profitent pour mettre en place des trafics peu scrupuleux. Et il y a ceux qui n’oublient pas les animaux à leur funeste sort.
L’insupportable flotte. L’indicible rôde. Au milieu du chaos, un peu d’espoir s’accroche. Plus fort que tout, il repousse la fatalité. Nourrir une lionne devient un acte de résistance contre l’inhumanité. Merci Nathalie et Yves-Marie Clément, d’avoir puisé l’inspiration dans le sauvetage des animaux du zoo d’Alep par l’ONG « Four Paws ». La réalité a précédé la fiction, et la fiction permettra peut-être de ne pas oublier. Pour accompagner le texte, Madeleine Pereira suggère le terrible quotidien par une lorgnette qui ouvre chaque prise de parole de Maya, Hamid et Labiwa. Il lui revient de nous offrir le scénario dessiné de la presque fin, où la poussière des gravats ne saurait être plus forte que le parfum des figues du jardin…
Il y a Aya la jeune archéologue, Oscar le mossi accompagné par Étalon sa chèvre, et Kim qui deviendra Medhi pour un temps.
Entre les deux premiers et les trois autres, il y a un pont temporel de 300 000 ans.
Le berceau de l’humanité rassemble ces destins que rien ne prédestinait à se croiser.
Nathalie et Yves-Marie Clément tissent les destins de protagonistes qui ne semblent pas devoir se rencontrer. Pourtant sans le savoir, tous convergent vers Houri-Kouri. Chacun nous raconte leurs espoirs, leurs doutes, leur solitude. Dans le berceau de nos origines, l’humanité se révèle pour le meilleur et sous l’angle du pire. Quand au 21e siècle les hommes se méfient, se déchirent, cherchent comment survivre à la cruauté de leurs frères, il est troublant de lire la rencontre de Nour et Dhib. Si l’Homo sapiens est fruit de croisements inter-espèces humaines, dixit les recherches paléoanthropologiques, que penser de la volonté présente de certains groupes d’en éliminer d’autres ?
Aya est ivoirienne. Elle a obtenu un diplôme en archéologie en France et sous la houlette du professeur Cartier, la voici en route pour Houri-Kouri en plein cœur du Mali. Des traces de vie datées du paléolithique ont été repérées. Il se pourrait que la découverte soit majeure. En attendant l’arrivée du professeur, Aya doit se rendre sur place pour rejoindre une équipe du Museum d’Histoire Naturelle. Sauf qu’une fois sur place, Aya est seule. Les français sont bloqués à Paris à cause d’un inextricable nœud politico-administratif…et au Mali, c’est la guerre.
Oscar n’est pas tout jeune, mais il est déshonoré et doit quitter son village. Sa mission est de trouver du travail afin de rembourser la tontine. Du Burkina Fasso, il rejoindra le Mali à pied avec pour seule compagnie sa dernière chèvre, qu’il a appelée Étalon. Mais qui à Ségou attend après un vieil homme. Une amère désillusion l’attend : aurait-il quitté son village et changé de pays pour rien ?
Kim est orpheline. Quand l’orphelinat dans lequel elle a été recueillie ferme, elle se retrouve dans la rue. Cette vie la propulse dans un monde brutal où la survie dépend de la rapidité avec laquelle on vole sa pitance. Évidemment ça ne marche pas à tous les coups et vient le jour où elle se fait chopper : direction le trou. Le jour où elle sort de prison la précipite dans un destin qui n’est pas celui d’une fille. Elle se fait enrôler comme soldat d’Allah et devient Medhi. Entre ceux qui ne savent pas qu’elle est une fille, elle apprend le maniement des armes…dans le but de tuer des ennemis dont elle ne sait rien d’autre que ce qu’on lui faire croire.
Cet ouvrage est intergénérationnel. De Kim-Medhi à Oscar, de l’enfant au vieillard, la rudesse de la vie en Afrique de l’Ouest n’échappera à personne. Sous le soleil écrasant, vivre devient une gageure de chaque instant. Un humain isolé voit sa vulnérabilité décuplée. J’entrevois vaguement, derrière mon regard occidental, les enjeux liés au collectif. Le dilemme apparaît : rester seul et s’étioler à petit feu ou intégrer un groupe quel qu’il soit et parvenir à (sur)vivre ? Puisque chaque protagoniste prend la parole, même derrière l’embrigadement de Kim on comprend pas à pas qu’être ensemble répond à un besoin instinctif, essentiel, vital.
Quand le paléolithique se donne à voir, quand les ancêtres sont respectueusement découvert par Aya, comment ne pas songer à Esméralda et Quasimodo ? De Victor Hugo à Nathalie et Yves-Marie Clément, ce sera probablement le clin d’œil de la fin : l’amour pourrait-il être le plus grand point commun d’hier à aujourd’hui ? Dans le grand défi du vivre ensemble, je n’ai pas de réponse à apporter mais la question mérite d’être posée. Comme de multiples médailles, entre face et revers, Les Amoureux de Houri-Kouri aborde différents thèmes : enrôlement-libre arbitre, savoir-ignorance, vivre-survivre, solidarité-individualisme, cruauté-générosité, masculin-féminin, passé-présent.
Entre science et fiction, comment ne pas être fasciné par le croisement de ces destins ?
D’hier à maintenant, comment faire pour ne pas s’interroger sur notre place dans l’Histoire ?
Les voix d’antan à aujourd’hui se cherchent, les unes tentant d’interpréter le lointain écho de l’évolution de l’humanité via un roman choral instructif, édifiant, passionnant !
Gilbert c’est le tonton de Yann. Gilbert est clown. Pour Yann, son oncle et son prénom sont pourvoyeurs de joie, de rire, de légèreté, de « prenons la vie du bon côté ».
Yann conçoit donc la vie comme binaire : il y a ce qui est Gilbert, et ce qui ne l’est pas.
Une coupe de cheveux toute fraîche, un repas d’anniversaire au restaurant, lire sous la couette c’est Gilbert voire super Gilbert ! Il est chouette Yann. Il décide de focaliser sur les petits pourvoyeurs du bonheur. Où les trouve-t-il ? Dans le quotidien, dans les moments de partage, dans des moments plus personnels, dans son cœur qui bat lors d’un baiser…
Par contre la voisine ronchonchon de mamie, le râleur du supermarché, le chien d’à côté qui grogne non-stop : pas Gilbert du tout…On ne peut pas rendre rose une météo pluvieuse ou celle qui se lève du pied gauche. Loin de plomber l’ambiance, voilà qui est susceptible de rendre encore plus agréable les petits bonheurs !
Le texte est gai, riche d’une imagination à hauteur d’enfant. Les illustrations expressivement colorées éclairent joyeusement ce quotidien Gilbert.
Décider d’être heureux, c’est un art de vivre qui demande un certain entraînement. Il est tristement facile de se laisser contaminer par la morosité, le spleen ou le négativisme. J’ai très envie de prendre la main que nous tend Myriam Picard, celle qui entraîne sur le chemin des « joies quotidiennes » (merci Mathé Altéry). Vous laisserez-vous tenter par la Gilbert-attitude ?
Alors faites des crêpes, émerveillez-vous du soleil printanier, chantez à tue-tête, lisez sur ou sous la couette, écoutez les oiseaux le matin : je crois qu’en ce moment on a tous besoin de voir du Gilbert dans la vie !
Oyé Oyé, c’est le moment de faire connaissance avec le valeureux chevalier Edmond et Aristote, son non moins valeureux destrier de cochon.
Enfin chevalier, c’est vite dit. Edmond doit faire ses preuves. Pour ce faire, le chambellan Gonfalon et le roi Fulbert l’envoient en mission « princesse en détresse ». Ce qui n’est pas franchement du goût d’Edmond mais présentement, qui se soucie de son opinion ?
Le voici donc parti, chevauchant fièrement son cochon, étudiant sérieusement la carte de l’empire du sucre maléfique et ses terribles contrées. Bien lui en prend car le parcours est semé d’embuches toutes plus collantes, sucrées et terrifiantes les unes que les autres : lac du Caramel maudit, gouffre de la Méchante Chantilly, précipices des Sucettes tranchantes…On se croirait dans une annexe de la maison en pain d’épices de la sorcière d’Hansel et Gretel !
Sans Aristote et sa présence d’esprit, Edmond aurait eu du mal à s’en sortir vivant ! Point question de s’apitoyer : le château est en vue. Encore une fois, rien de ne se passera comme prévu…à un détail près : cette fois-ci c’est le prince qui décide de la direction à donner à sa vie !
En avant la parodie de conte. Le prince rechigne à devenir chevalier, la princesse n’en fait qu’à sa tête, le dragon est remplacé par un danger autrement plus moderne : les sucreries (là j’avoue ignorer s’il y a une intention volontairement engagée de la part de l’auteur contre le sucre à gogo…mais ça me plaît beaucoup !). L’amitié et l’entraide y ont le beau rôle : mine de rien, elles nous susurrent que la noblesse de cœur n’a que faire des apparences !
Oh comme il est délicieux et rafraîchissant ce conte : une véritable fraise tagada grouik-grouik au texte entraînant et rebondissant. Allergique aux sucreries : vous abstenir (ou pas). Avec des illustrations où le vilain défaut nommé gourmandise ne pèse pas lourd à côté des expressions hilarantes des personnages. Jess Pauwels nous offre une chouette tranche de comique à chaque page. Ajoutez-y le texte truculent et Richard Petitsigne et vous obtenez un album à croquer !
Tant mieux, on peut en abusez : alors allez-y et savourez cette histoire sans modération !
Impossible pour moi de résister à ce nouvel opus des aventures de l’écureuil de Sebastian Meschenmoser !
Après L’écureuil et la lune, l’écureuil et le printemps, l’écureuil et la première neige, l’écureuil et le roi de la forêt, l’écureuil et l’étrange visiteur…, voici notre ami confronté à une nouvelle surprise comme seule la forêt peut en offrir. A l’intérieur d’un arbre il découvre LA plus grosse, LA plus belle noix qu’il a jamais vu de sa vie !
Quand il reprend ses esprits, il décide que cette noix sera sienne. Pas question de risquer qu’un autre ne la trouve et ne la revendique. Pour s’assurer cette possession, il faut la cacher.
Mais trouver la cachette parfaite s’avère ardu. Il lui faut de l’aide. Heureusement hérisson, qui dormait à proximité, se réveille. Qui a bien pu lui envoyer une motte sur la tête ? Ni une ni deux, écureuil oublie La grosse noix et La cachette à trouver pour venir en aide à son ami. Voilà les compères occupés à une chose, puis à une autre. Les priorités changent au gré de la journée. Tout est prétexte à se laisser distraire : quelques feuilles qui tombent et hop, c’est la fête avec les amis. Dans un tourbillon de couleurs, ce qui compte c’est de s’amuser !
Et la noix dans tout ça ?
C’est un grand plaisir de retrouver le coup de crayon de Sebastian Meschenmoser. Dans cet ouvrage, il glisse moult détails en annexe de l’histoire : ça fourmille, ça se faufile, ça sautille. Les chevreuils nous observent de loin, les lièvres sont tapis sous les grandes feuilles, et finalement, le hérisson atterrira où il n’aurait pas dû. Tout est invitation à vous se promener, à vous perdre dans la contemplation des lieux.
Qu’est-ce qu’on en retiendra : peut-être qu’un objet de grande valeur vaut moins qu’un bon moment partagé avec des amis.
J’ai trouvé cette histoire tombée du nid. Je l’ai accueillie, et j’ai murmuré entre ses pages qu’ici, elle serait en sécurité. Alors le livre m’a dévoilé de quel trésor il était habité. Main-oiseau raconte la rencontre avec l’enfant tant attendu, l’enfant rêvé, chéri, idéalisé. Lorsque la petite fille vient au monde, elle est tout cela. Tout est parfait, à une petite exception…presque rien se dirait-on.
Pourtant…
Deux doigts en moins, ce n’est rien. Le bébé a une jolie frimousse, deux bras, deux jambes, deux yeux pour explorer le monde.
Deux doigts en moins c’est terrible, c’est l’option non facultative, la différence à vie.
C’est le papa qui raconte en poésie ce double bouleversement de vie. Car quoi de plus à propos que quelques rimes pour souligner le tumulte des émotions qui accompagnent son tout nouveau rôle de père qui veut préserver son enfant de toutes les moqueries de la terre. La pince de homard sortira de l’eau pour devenir une main-oiseau. Libérée de sa carapace, une petite intervention pour optimiser les chances et voici l’enfant prête à laisser de côté les qu’en dira-t-on pour mieux s’envoler.
Trois doigts au quotidien, c’est parfait pour les ombres chinoises, pour faire du stop, pour attraper la main de ce papa un peu magicien. Puisqu’il faut vivre avec, dépasser les difficultés est une nécessité. Père et fille font équipe pour élaborer des astuces, pour que la vie hors du nid se fasse toutes ailes déployées !
Pour illustrer ce lumineux texte, Marianne Ferrer souligne l’intime et l’injuste dans un camaïeu de bruns et de bleus, transformant les larmes en plumes.
On arrive tous à la vie avec un truc en moins ou un truc en plus. Parfois ça se voit tout de suite. Des fois ça met du temps avant d’apparaître. Ici la fillette aura à apprendre plus tôt que les autres à tenir tête aux attitudes offensivement dédaigneuses. Si ça n’avait pas été à cause de sa petite main, ç’aurait sûrement été pour autre chose. C’est ainsi, la moquerie fait partie de la vie. L’adaptation est la clé-solution. Avec un papa poète qui sait faire des ricochets au ciel, je pressens que la route de la demoiselle sera belle !
A la veille du 14 février, au milieu de toutes les injonctions dégoulinantes, collantes, suintantes de « l’amour c’est doux – c’est beau – ça dure toujours », heureusement que les Éditions Chocolat sont là pour rétablir l’équilibre. Car, il faut quand même vous le dire : l’amour ne rime pas toujours avec happy end et étoiles dans les yeux !
Dans ce collectif grand format, quinze histoires d’amour balbutient et se consument sous les yeux hilares, compatissants ou absolument désolés du lecteur. Comme un guide dans le côté obscur de ce sentiment, les contes se succèdent. Entre nouvelles et poèmes, l’ouvrage nous raconte les brochets et vampires alias « psychopathes manipulateurs », l’implacable force du destin qui sépare définitivement des amoureux transis, la parfaite vanité des filtres d’amour…
Et c’est pas tout !
Il paraît qu’à trop attendre, certains amours n’attendent pas. Un peu de spontanéité pour éviter des années de regrets, ça mérite d’y réfléchir. Tout escargot que nous sommes, le jeu vaut peut-être le coup de sortir un tantinet de sa coquille ?
Il paraît aussi qu’il y a des amours plus profonds que d’autres. Quand certains s’enracinent au plus profond des êtres, d’autres ne dépassent pas le seuil épidermique. Je vous laisse imaginer les conséquences en cas d’éruption intempestive d’un furoncle sur la joue !
Il paraîtrait également que toutes les grenouilles ne sont pas bonnes à embrasser, que la subtilité d’un cœur en sucre n’est rien devant un petit singe gourmand, et que le romantisme d’une flamme déclamée pourrait bien pâtir à cause d’une haleine trop chargée.
A l’instar du nom de la maison d’édition, ce recueil est un délice : acidité parfaitement dosée, le croquant de la dérision saupoudrée d’ironie est une joie si l’on s’essaye à la lecture à haute voix. Merci Chocolat jeunesse pour cet ouvrage magnifique autant poignant que désopilant. Entre les Rita Mitsouko (les histoires d’A) et vous, on ne pourra plus dire qu’on ne savait pas…