C’est le printemps. Rouge-gorge est amoureux de la belle et inaccessible Colombe. C’est d’ailleurs à cause (ou grâce à elle) que la gorge de l’oiseau aurait rougit…
Comment attirer l’attention de la belle ? En chantant peut-être ! Dommage, Rossignol est déjà dans la place. En lui déclamant un poème alors ! Dommage : Loriot est déjà en train de jouer cette carte…
Rossignol ne se décourage pas. Il essaye diverses approches : lui offrir un cadeau, une fleur, une invitation à dîner…mais à chaque fois son infortune est qu’il n’est pas le premier. Colombe est très courtisée. Tous les oiseaux essayent de ravir son cœur. Pauvre Rossignol. Comment rivaliser avec Pie, Grive, Merle ou Pic-Vert ? Rossignol voit son estime de lui bien mise à mal dans cette course à la séduction. Pourtant, pas question de renoncer et il décide :
Il se pourrait qu’il se fasse prêter par plusieurs oiseaux leurs attributs les plus impressionnants (qu’est-ce qu’on peut emprunter au paon ou au flamant rose, à votre avis ?). Le résultat est…déroutant…Parce qu’il en fait beaucoup, des tonnes même. Rouge-gorge est devenu un truc loin de lui-même : un oiseau hybride ! Cela aura-t-il l’effet escompté ? Humm pas vraiment. Pourtant il y aura très probablement un happy end…sûrement !
J’ai trouvé chouette de retrouver des oiseaux de nos jardins dans cet album. Même si je n’ai jamais vu de colombe dans la nature, les autres oiseaux rencontrés sont des familiers. Dans une période où la protection des oiseaux est une préoccupation de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, c’est sympa de les retrouver dans un album. Merci Ale + Ale (alias Alessandro Lecis et Alessandra Panzeri) pour cet album à la fois familier et dépaysant. (c’est une surprise de suivre Rossignol au pays des drapeaux de prières multicolores). On suit les pérégrinations de Rossignol au fil des saisons dans des pages paysages peintes, floutées, photographiées, ombrées, collées : le résultat est magnifique !
Rouge-gorge est persévérant. Il a aussi une estime de lui peu solide. En se comparant sans cesse aux autres, il perd de vue ses atouts et indéniables qualités. Il tombe dans le piège du faux-self, alias s’éloigner de ce qu’il est vraiment tout en étant persuadé que cela servira sa cause. Raté ! A trop s’éloigner de soi, on pourrait se perdre complètement. Arrêter de se comparer aux autres, avoir confiance en soi c’est un vaste programme. Il a de la chance Rossignol car c’est la vraie version de lui-même qui remporte l’adhésion de la belle colombe, pas la version hybride. Quelque-part, heureusement pour lui sinon, il y a fort à parier que la vie n’aurait pas été simple. Cela interroge sur nos propres masques et faux-self sociétaux : dans quelle mesure, à quelle fréquence nous nous éloignons de nous-même pour coller à une meilleure image – pour nous lisser – pour être aimé – pour rentrer dans les moules – de peur d’être ignoré, rejeté, non reconnu pour ce que nous sommes, en perdant de vue notre valeur ?
Cet album m’interroge sur un dernier point. Rossignol apprend seulement à la fin qu’il vaut mieux rester soi-même car même si on ne lui avait pas dit, on l’avait repéré et estimé pour ce qu’il est. Sans les artifices en sus. Pourquoi attendre pour dire à autrui qu’on apprécie telle ou telle chose chez lui ? Pourquoi toute cette pudeur dans le fait de communiquer sur le positif ? Pourrait-on pratiquer la focalisation positive plus régulièrement, pour le bien-être de ceux qui nous entoure et pour le nôtre ?
Moralité, en amour comme dans les autres domaines de la vie, ne pas se décourager et avoir un chouïa confiance en soi !
A bon entendeur : lisez, rêvez et protégez les oiseaux !
Parce qu’un jour il faut se remettre à écrire. Parce que j’ai envie de partager à nouveau. Parce que, même si c’est difficile de remonter sa pendule personnelle, parce que c’est quand même possible, parce qu’il y a tant de belles histoires à partager, à découvrir…
Ce n’est pas un hasard qu’en cette période confinante où le temps n’a plus tout à fait le même goût qu’hier, je sois allée vers Samy Bear.
Cet album est plusieurs voyages.
Un voyage à la rencontre de soi.
Un voyage à la découverte du monde.
Un voyage musical.
Un voyage à la découverte du temps.
Un voyage à la découverte de l’autre.
Samy Bear a eu une enfance contrastée, entre les quolibets des enfants de l’école à son encontre et le soulagement retrouvé chaque soir dans l’atelier de Joshua le charpentier. Grâce à l’affection que ce dernier lui porte, Samy entreprend une construction : celle d’un bateau.
Qu’est-ce qui est plus précieux qu’un rêve d’enfant ? Samy a besoin d’un bateau pour aller rencontrer son rêve, rêve précieusement gardé au fond d’une poche…de quoi peut-il bien s’agir… ?
Dans la vie de Samy il y a aussi Mrs Brown, la « vieille femme à la peau noire ». Un peu avant de mourir (c’est ce qui arrive quand on est vieux) elle lui fait cadeau d’un banjo. Lorsqu’il lui demande « Tu m’apprendras ? », elle lui répond par une pirouette.
Ainsi la pluie sera son professeur, sa pire ennemie souvent car l’apprentissage de la musique est exigeant, cruel, frustrant. Pourtant la ténacité et le temps feront de la pluie et l’enfant deux amis.
Un jour le bateau est fini, prêt à partir. La vie est faite de départs : celui de Samy est arrivé. Avant de partir il compose au banjo une mélodie en souvenir de Mrs Brown. Le résultat est tellement émouvant que le ciel se met à pleuvoir comme si toutes les larmes de chagrin du monde se déversaient en même temps. Rien de tel pour gonfler le cours d’eau d’à côté. Samy s’en va, seul avec une pie envoyée par le charpentier. Joshua a décliné son invitation : « C’est ton voyage (…). Bon vent mon garçon. ».
La vraie vie demande de partir avec juste soi. Indépendance, autonomie, tirer des enseignements des leçons parfois amères, âpres.
Ainsi commence le voyage au gré des flots. Quand l’eau commence à manquer, Samy joue le morceau de Mrs Brown pour faire pleurer le ciel et gonfler le fleuve. Un jour il fait une première rencontre : un petit homme au sommet d’un beffroi, qui s’étonne : Samy n’a rien pour se repérer dans le temps ! On ne peut pas vivre sans se préoccuper du temps, non d’un cadran ! Il fait choisir à Samy de quoi se repérer dans le temps : ce dernier choisit une pendule. Pour la remonter, trois tours de clef. Si Samy oublie de la remonter ou qu’il perd la clef, le temps simplement, s’arrêtera…
Le voyage et le temps passent. L’insouciance s’évapore au fur et à mesure que le temps passe, confrontant Samy aux épreuves de la vie. La vie c’est pas toujours gentil. La vie ça fait peur. La vie ça fait mal. Un jour il rencontre un géant, dont le chagrin manque de le faire chavirer. La rencontre suivante c’est un enfant qui a pour mission de garder la forêt depuis le ciel. Héritage familial…
Samy poursuit. « Toujours droit devant » lui a dit Joshua.
Mon illustration préférée, sans aucun doute…Wow..quelle beauté !
Une fois encore le voyage marque une pause avec la rencontre d’une jeune femme artiste. Cette dernière demande à Samy si elle peut faire son portrait. N’y croyant d’abord pas, (moqueries de l’enfance, méchants fantômes) Samy accepte finalement. Chaque jour ils se retrouvent dans la clairière et ils parlent. L’artiste parcoure le monde dont elle veut tout voir et tout entendre. Elle ne connaît pas le banjo. Samy lui joue un morceau. Le lendemain et les jours suivant brilleront du vide laissé par le départ de la jeune femme.
Blessé à l’âme, Samy dépérit. Le Banjo reste silencieux, la pendule non remontée suspend le cours du temps. Le fleuve non nourrit s’assèche. Le bateau s’échoue. Le regard tourné vers le passé, Samy oublie. La pie essaye de le faire réagir à bien des reprises. En vain.
Combien de temps s’écoula ? Nul ne peut le dire.
Un jour pourtant, à la faveur d’un petit vent, le rêve d’enfant parvient à réveiller Samy de sa longue torpeur. Vous vous souvenez du rêve, gardé à l’abri dans sa poche ? Sur la feuille de papier, Samy reconnaît le nom d’un certain personnage qui ne veut pas grandir – rester enfant (vous avez deviné de qui il s’agit n’est-ce pas ? ), et la carte pour un certain Pays Imaginaire…
Vous pouvez choisir la manière dont vous abordez cette histoire. Personnellement j’ai choisi de lire d’abord le texte sans écouter le CD. J’ai créé ma propre musique, mon ambiance. Évidemment la problématique du harcèlement en entrée de jeu ne m’a pas laissée indifférente et a focalisé mon empathie sur Samy. Le silence m’a permis de plonger sans retenue dans les illustrations de Pierre Charentus. L’invitation à la contemplation était trop grande pour que j’y passe juste en survolant. L’histoire de Samy ne se déroule pas rapidement. La construction du bateau, apprendre à jouer du banjo, se laisser porter par les flots, soigné un cœur brisé, tout cela est progressif, évolutif (éloge de la lenteur ??). Les illustrations, avec leurs couleurs enveloppantes comme une couverture sur les épaules un soir de printemps, me donnent envie de m’asseoir et de regarder, plonger dans les paysages, me trouver une petite place sur le bateau avec Samy et voguer, et regarder encore…(contemplative que je suis). Place au mordoré, aux nuages orangés, au ciel rougeoyant, aux ombres bleues, à l’eau turquoise…
Et puis après m’être abîmée, noyée dans les images, je me suis décidée à écouter le CD. La première fois, je l’ai écouté….dix fois de suite. Je suis partie en transe sur la musique. Peut-être parce que mon côté danseuse folk et âme celtique a retrouvé dans les notes de Jean-Pierre Jolicard un je ne sais quoi de bluegrass, de balade irlandaise (hopla polka !!!). L’envie de soirée au coin du feu avec Miss Brown s’est mêlée à celle irrésistible de danser sur le morceau La Montgolfière (l’effet tin whistle et cuillères sans doute). Bravo banjo ! La voix de Cali, qui se fait conteur pour l’occasion, nous accompagne sur le chemin des mots de Bernard Villiot. Ces mots, dont la musique à elle seule suffit à ouvrir les porte du voyage.
On pourrait ouvrir la discussion à propos de « qu’est-ce que le temps ? ». La question est plus qu’en filigrane. Le temps météo – la pluie – la sécheresse ? Le temps qui passe – trop vite – pas assez vite – temps suspendu (O Temps ! Suspend ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours (…) .oups, digression, quelques mots d’un poème lointain étudié jadis…merci Lamartine), si vite qu’on en oublierait de vivre au présent.. ?
Pour faire un petit parallèle avec notre actualité un peu particulière : qu’est-ce que c’est deux, quatre, six, huit semaines dans une vie ?
On pourrait aussi discuter des choix qu’on fait pour soi, de quel itinéraire de navigation souhaite-t-on pour sa vie, de comment trouver à l’intérieur de soi ce petit truc, cette étincelle qui fait qu’on est nous et unique. Samy sait faire tomber la pluie et réjouir les oreilles avec son banjo. Le Géant découvre que son infortune peut être détournée pour aider les autres, l’enfant assume sa mission de gardien… Ceux qui ont permis à ce livre de voir le jour en ont une sacrée…étincelle ! Ne seraient-ils pas tous un peu Peter Pan..?
J’espère que cette présentation vous aura donné envie de rencontrer tout ce joli monde. Car c’est un fait, on rencontre beaucoup de gens quand on découvre cette histoire. Alors tellement merci Samy, Bernard Villiot, Pierre Charentus, Jean-Pierre Jolicard et ses musiciens, Cali et les éditions Margot et le banjo !
Et si vous avez envie d’en entendre un peu plus, les éditions Margot nous font un chouette cadeau…par ici :
« Pourtant…que la montagne est belle » chantait Jean Ferrat.
Ouvrez grands vos yeux, inspirez profondément pour découvrir cette œuvre de Li Lamarre et Odile Santi. On suit à travers les pages le parcours de vie d’une boule de neige, Neigeline, depuis la cime de la montagne jusque dans la vallée, où elle est précipitée un jour de vent. Bourrasque bénéfique qui réalise son souhait de découvrir un ailleurs en couleur, la chute n’en est pas moins effrayante. C’est le soulagement quand elle atterrit enfin en bas.
Le nouvel environnement est propice à la découverte des animaux de la montagne. On ne voit pas de marmotte sur les cimes ! Peu à peu la nature réveille ses couleurs et le printemps prend le pas sur la blancheur de l’hiver. Quand Neigeline aperçoit le sommet d’où elle vient, elle comprend que plus rien ne sera comme avant. Pas d’amertume envers celle qui l’a protégée si longtemps, juste la conscience que les routes doivent se séparer pour avancer.
Les merveilleuses doubles pages paysages nous font pénétrer dans une montagne préservée, protégée, sereine. La marmotte succède aux animaux blancs, les crocus égayent les plaques de neige, l’hiver se retire doucement. Neigeline se sent différente. Elle aussi passe d’un état à l’autre. Bienveillance de la nature autour d’elle, elle assiste aux transformations : éclosion des fleurs, ballets des papillons, musique de l’eau qui est proche, si proche à mesure que le soleil darde ses rayons. Neigeline fond progressivement : une nouvelle aventure se dessine semble-t-il…une fin en début d’autre chose…
Cette histoire est un chemin de vie. La soif de découverte s’accompagne d’appréhension. Certes, avancer sur le chemin n’est pas exempt de peurs et d’interrogations. Qui vais-je rencontrer ? Où est-ce que je vais aller ? Lâcher la main du référent pour suivre ses envies est une grande étape.
Point de précipitation, Neigeline a profité de son « ici et maintenant ». On laisse des choses de côté, on en abandonne, on se transforme, on profite aux autres en leur laissant la place (comme des fleurettes par exemple).
La nature est superbement montrée. L’observation des illustrations réveille des envies de se poser pour observer le vol des petits insectes printaniers, ou le balancement délicat des pétales dans la brise. Si je tends l’oreille peut-être que je pourrais percevoir la respiration de la vallée, le bruissement des arbres, la musique du ruisseau dans la magie de l’instant présent.
Que cet album est doux et impressionnant de sérénité. Le cycle de la vie est magnifiquement suggéré (à chacun la liberté d’y percevoir ce qu’il souhaite). Qu’est-ce que je vais devenir ? Comment mes saisons se succéderont-elles ? Le parcours initiatique montre que la vie est faite de choix, mais pas que. La chenille devient papillon, la graine devient arbre ou fleur, la neige devient ruisseau, le petit d’homme deviendra « Je ».
A partir de trois ans et fortement recommandé pour les plus grands
Clafoutu est une sorcière qui travaille sec sa laideur. Elle y passe des heures pour être la plus dégoutante, crasseuse, écœurante chose sur Terre. C’est une esthéticienne de la mocheté et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle excelle dans son domaine.
Pour être sûre et certaine qu’elle seule est bien la plus laiiiiiiide sur terre, (ça ne vous rappelle pas quelqu’un ce refrain ?) elle questionne tous les jours son vieux chaudron magique.
Pas fou, l’accessoire lui répond la même chose à chaque fois. Mais (oui y a un mais), un beau jour Clafoutu casse son chaudron adoré. Bon ben ça c’est fait, y a plus qu’à en racheter un. Et vous ne devinerez jamais quoi : il est connecté ! (c’est par parce que c’est une histoire de sorcière qu’elle doit échapper à la modernité, non mais). Modernité à double tranchant : le chaudron a accès à des informations qui jusque ici passaient loin de notre sorcière. Quand elle lui pose la fameuse question, elle ne reçoit pas la réponse tant attendue. Il y a plus moche qu’elle : le nasique ! Voulant absolument voir la bobine de son rival mais étant plus douée en décoction qu’en sort, cela lui prend un peu de temps (qu’elle ne consacre pas à sa laideur). Enfin le nasique apparaît puis est directement banni sur une île très loin.
Le lendemain c’est un autre animal qui subit le même traitement, puis un troisième le surlendemain. Toutes ces journées à se débarrasser de ces affreuses créatures, Clafoutu en oublie de s’entretenir (ben alors Sorcière, tu perds de vue tes priorités là).
Vient le jour du crapaud buffle : ce dernier à l’audace de squatter sous son nez, dans son propre jardin. C’est au naturel que Clafoutu s’apprête à lui faire sa fête. Pas de bol, le crapaud est loquace et serait un prince charmant. Pour s’en débarrasser, il faut l’embrasser. Le prince est libéré (délivréééé) et il invite Clafoutu a une soirée…!(Quoi ??? Depuis quand les princes kiffent les sorcières ???). Les princes ne sont pas toujours comme on croit !
Un conte qui tord le cou à la beauté : j’adore !!!
Là on est dans l’anti-cliché. Mieux vaut ne pas avoir peur de tous les petits travers du corps humain nommés poils, points noirs et ongles crasseux ou autres trucs plus ou moins dégueux. Merci Christine Naumann-Villemin et Stéphane Henrich pour cette tranche de naturel délicieuse comme un munster trop affiné ! Les bonnes manières sont laissées au vestiaire. Un peu d’humanité très biologico-basique dans l’histoire c’est poilant (blague facile je sais).
Elle ne souffrirait pas d’isolement notre Clafoutu ? Parce qu’elle n’hésite pas très longtemps avant d’accepter l’indécente proposition du prince. Il y a peut-être une vie loin du chaudron ? Après tout qui a dit que les sorcières sont obligées de rester seules jusqu’à la fin de leur vie. Clafoutu avait des journées très sans surprise : toujours se faire laide, interroger le chaudron, et ainsi de suite tous les jours. Quand la vie est réglée comme du papier à musique, on ne se rend même plus compte qu’on s’ennuie. Alors on devient obsessionnelle et solitaire. Être la plus laide sur Terre : la belle affaire. Quel intérêt de se faire laide si c’est juste pour le chat et le chaudron ?
Quand on se trouve laid, c’est rassurant de penser qu’il y aura toujours plus laid que soi. S’accepter tel qu’on est, vaste programme. De nos jours c’est « toujours plus belle » avec des exigences toujours plus importantes. Sommes-nous obligés de suivre ces prérogatives sociétales ?
Culte de l’apparence quand tu nous tiens, ça fait du bien quand tu vas voir plus loin !
Pourquoi les éléphants ont une trompe ? Si vous vous posiez la question, c’est dans ce drôlissime livre en découpes que vous trouverez la réponse. (une ressemblance avec une histoire de Rudyard Kipling serait fort possible)…
A une époque fort lointaine donc, les éléphants n’avaient pas de trompe. A travers une forêt tropicale de papier, on suit un éléphant bleu qui se promène dans la jungle. Quand il croise un animal, il le questionne sur une de ses caractéristiques. Ainsi il demande à taupe comment elle fait pour respirer sur terre, si chameau n’aurait pas deux bosses sur le dos pour « faire le beau ».
A chaque page il y a une multitude de détails à observer dans les ombres. Il y en a du monde ! La prudence et la discrétion s’imposent quand on vit dans la forêt. Pourtant ça ne semble pas préoccuper Eléphant qui se retrouve nez à nez avec une créature verte à écailles qui a plein de dents et qui fait peur à tous le monde (y a qu’à voir la tête des animaux qui se cachent dans l’arrière-plan). Pas méfiant pour deux sous, il ne trouve rien de plus malin que de lui demander « c’est quoi ton plat préféré ? ».
Futé le croco l’attire et lui attrape le nez !
Un éléphant : belle prise pour le repas…ou pas !
Branle-bas le combat, toute la forêt porte secours à l’éléphant. Crocodile est bien accroché et n’a pas l’intention de lâcher, même s’il s’en prend de tous les côtés !
Quelle bataille, quelle pagaille. Pour l’occasion, tout le monde est colorisé !
Tout assommé et partiellement déchiré, le croco finit par lâcher le nez, euh le grand nez, (le cap, la péninsule), le très grand nez d’éléphant ! Tadam, la trompe est arrivée. Si pendant les premiers instants Éléphant est circonspect, il se pourrait qu’il y trouve quelques avantages…et Crocodile aussi !
J’ai une sympathie pour les histoires qui expliquent le pourquoi du comment certaines choses sont comme elles sont. Avec ce très chouette livre objet, l’histoire coule avec une sympathique loufoquerie. Une première partie en découpes, puis le point culminant avec la double page à déplier ou la couleur contracte avec l’ambiance en noir et blanc. L’ensemble est pétillant, dynamique avec un épilogue insolite : comme quoi, un mauvais tour peut finalement déboucher sur du positif.
Merci Loes Riphagen et Didier Jeunesse pour cette explication sur l’origine de la trompe de l’éléphant. D’ailleurs vous n’auriez pas une explication pour la girafe et son grand cou ?
A partir de trois ans et tant qu’on a une âme d’enfant !
De loin il ne payait pas de mine cet album. Je l’ai déniché en bas d’un présentoir au salon du livre de Troyes en Octobre dernier. J’ai été attiré par la couverture (fascination avec l’effet broderie qui ondule sur l’eau), puis je l’ai photographié (pour plus tard), et finalement je n’avais pas fait trois mètres que je faisais demi-tour pour le mettre dans ma besace. Vraisemblablement les libraires et bibliothécaires Sorcières ne s’y sont pas trompées non plus car il figure dans leur sélection « catégorie CARRÉMENT SORCIÈRES NON FICTION ». D’ailleurs comment vous expliquer cet ouvrage ?
Un album qui parle des fleuves, soit : qu’a-t-il de plus que d’autres livres qui traiteraient du même thème ? A mon sens c’est bien plus qu’un simple documentaire. On est ici dans un album documentaire géographico-écologico-historico-spirituel qui fait la part belle aux illustrations. Page après page, Monika Vaicenaviciené nous montre que réduire le fleuve à la simple définition de « cours d’eau qui se jette dans la mer » serait par trop réductrice. Non, un fleuve c’est d’abord un fil, puis un voyage, une maison. Plus qu’un lieu de vie, il est à l’origine de bien des vies tant d’un point de vue biologique que symbolique.
Ce livre commence par un dialogue entre une grand-mère et sa petite fille. L’enfant demande à la vieille dame « Grand-Mère qu’est-ce qu’un fleuve ? ». L’enfant questionne son aïeule qui commence sa réponse inspirée par : « un fleuve c’est un fil »…
Symbolique : ce terme est transverse pour absolument toutes les pages. Il n’y a pas un seul aspect qui soit traité exclusivement sous un angle cartésien. Les évènements symboliques, comme le baptême ou la purification (vous voyez à quels fleuves le clin d’œil est fait ?) sont présents. Car un fleuve ça peut-être un lieu social, spirituel, d’initiation, de conquête…Si des étapes de vie s’y sont produites, le fleuve devient un écrin à souvenirs.
N’avez-vous jamais trouvé quelques fossiles sur les berges d’une rivière très éloignée de la mer ?
Peut-être avez-vous contemplé dans un musée des collections d’amphores naufragées (ils aimaient le bon vin les romains, heureusement que toutes les galères ne faisaient pas nauffrage !) ?
Quels secrets les fleuves abritent-ils encore…?
L’eau a toujours attiré les hommes. Le fleuve est devenu un lieu de réunion, de construction, de commerce, de réflexion. Comme on ne peut vivre sans eau, on s’en est rapproché : les berges du fleuve sont devenues résidences. Des fois le fleuve est source d’énergie : des barrages érigés fournissent la fée électricité.
Le fleuve est propice aux histoires, contes et autres légendes. Parce qu’il est tantôt effrayant, tantôt bienveillant, il nourrit l’imaginaire. Il aura le dernier mot tragique de la mésaventure ou procurera l’apaisement au héros tourmenté. Ah moins qu’il n’accueille dans les ombres de ses méandres quelque créature fantastique ?
Les sens y trouveront aussi leur compte : ouvrez vos écoutilles olfactives et dites-moi : « que sentez-vous » ? Quelles odeurs accompagnent les abords du fleuve ? Sont-elles les mêmes à chaque saison ? Après la pluie ? Quand il y a du vent ?
Miroir de l’activité humaine, un fleuve respecté reflètera les bons soins dont il est l’objet. A l’inverse celui qui écope de déversements polluants renverra un reflet huileux, poisseux, visqueux, fangeux. Que nous redonnera-t-il si nous ne le respectons pas ? Qu’est-ce que l’homme sera en mesure de recevoir s’il ne prend pas soin de ce professeur ? Car il se fait enseignant, à ses heures. Lieu d’études, de recherches, il a tant à apprendre.
Minute philosophie ! Héraclite est connu pour cette citation « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » (ok vous avez quatre heures !). Dans ma vie de tous les jours c’est une phrase qui m’accompagne comme un mantra. Le fleuve (et ses cousins les cours d’eau) est le lit du mouvement perpétuel. On prend conscience auprès de lui que tel le tic-tac du temps, rien ne reste en l’état, tout bouge et coule en permanence. Parfois les pensées sont sereines, parfois elles sont tortueuses, ou boueuses ou très claires. L’esprit de l’homme est semblable à la rivière…
En reliant au fil de l’eau toutes ces images, on parvient à entrevoir une partie de la mosaïque incroyable que sont ces témoins liquides de l’histoire du monde. Vous l’aurez compris, ce livre a été, est et restera un très gros coup de cœur, qui se justifie par la diversité des réponses à la question qui fait le titre. Tout en synthétisant certains éléments très concréto-scientifiques, il est délicieux de patauger, plonger, s’immerger dans le fleuve témoin d’hier et de demain.
A notre échelle d’humain il peut être rythmé par les secondes, minutes, heures, journée, année, décennies. On peut aussi se dire que le temps, c’est un grand soleil, un jour de gel ou de grand vent, une pluie battante ou une légère bruine. Le temps peut être bien des choses. Aux yeux d’une montagne comment définir le temps ?
Le temps qui passe revêt une autre définition, une autre dimension : une vie d’homme passera à la vitesse de l’éclair et une limace se déplacera rapidement. Dame Montagne contemple le temps qui passe depuis toujours. Elle a vu la fonte des glaces, les premiers hommes qui succèdent aux mammouths, les premières huttes puis les maisons, d’abord les villages, la ville… C’est ainsi quand on compte plusieurs millions de bougies. Témoin immuable et silencieux de l’évolution, elle sait que son destin sera de rapetisser.
Dans sa sage immobilité Dame Montagne attend pourtant le jour où devenue grain de sable, elle pourra voyager accrochée à la patte d’un oiseau. La montagne a un rêve, cela vous étonne ? Une vie passée à regarder les choses arriver puis repartir, elle a appris que seule une petite taille permet le déplacement.
Vie d’homme contre vie de montagne. Année contre histoire de l’univers. Difficile de comparer si ce n’est en changeant la perspective. Pour nous humains, qu’est-ce qui passe lentement ? La guérison après avoir été malade – la consolidation de la jambe cassée – la pousse des cheveux – sortir d’un bouchon au retour des vacances – l’attente avant un rendez-vous galant ? Dans l’autre sens que trouve-t-on ? Des vacances dont on a rêvé – un bon film – une discussion intéressante – un fou rire ? Dame Montagne, elle, a à peine le temps de sentir la promenade d’un animal quand nous trouvons la promenade un peu trop longue pour nos pieds (paradoxe des perceptions !)
Le temps dépend du point de vue depuis lequel on le contemple. Mickaël El Fathi pose avec simplicité les grandes étapes des âges de la Terre. Subtilement, Pierre Pratt avec ses touches colorées et expressives nous montre comment les êtres vivants échangent avec cette montagne toujours subtilement changeante. Double histoire, double temporalité. La présence de l’homme, éparse au départ se conforte, se développe et influence le paysage de la vallée. La question du temps est posée. Cet album ouvre une fenêtre sur l’histoire de notre planète et sur la nôtre.
Avec la montagne on s’interroge sur le lieu présent : comment était-ce avant ? Comment se déroulera la suite de l’histoire ? Pour la montagne, l’auteur nous a glissé une petite idée : qu’en sera-t-il pour les hommes ? Histoire à suivre…
Un album à contempler, pour discuter, s’interroger, philosopher à partir de 6 ans.
Youpi une histoire de dragon ! (J’adore les dragons)
Un matin, il y a un dragon dans la chambre de Benoît Brindherbe. C’est un dragon de la taille d’un chat qui remue la queue pour montrer qu’il est content quand on lui caresse la tête. Quand Benoît prévient sa mère de la présence d’un dragon dans sa chambre, celle-ci prononce cette phrase incontestable « Les dragons ça n’existe pas ».
A partir de là, il n’y a plus rien à dire ni à considérer. Bien que le dragon soit toujours là, Benoît décide de ne plus s’en occuper, puisqu’il n’existe pas. Même s’il remarque que le dragon a peu grandi, et qu’il fait des choses interdites (comme s’asseoir sur la table de la cuisine ou manger toutes les crêpes), il ne dit rien. D’ailleurs sa mère ne dit rien non plus.
Les crêpes ça fait grandir les dragons vitesse grand V : à la fin du petit déjeuner le dragon est aussi grand que Madame Brindherbe. Il s’installe dans l’entrée pour faire une grande sieste. Il est devenu tellement grand que ça devient compliqué de circuler d’une pièce à l’autre sans passer par les fenêtres. Quand Benoît exprime son étonnement quant à la rapidité de croissance des dragons, ça mère lui cloue le bec en assenant à nouveau : « Les dragons ça n’existe pas ». Que répondre à ça ?
Quelques heures plus tard, le dragon déborde de la maison et quand il se réveille de sa sieste, il a un petit creux. Tant mieux, le boulanger au volant de sa camionnette passe justement sous son nez. Ni une ni deux, le dragon la suit emportant la maison sur son dos. Monsieur Brindherbe, qui rentrait pour déjeuner, eut la surprise de retrouver sa maison, sa femme et son enfant et le dragon à distance de là où elle aurait dû être.
Quand il demande des explications, Benoît lui répond que « c’est le dragon », et d’insister quand sa mère s’apprête à nouveau à nier l’existence du dragon. Cette fois plutôt que de faire comme s’il n’existait pas, Benoît considéra le dragon, puis admit que malgré les certitudes de sa mère, il était bien là. Geste suprême, il valida cette reconnaissance par une caresse au dragon. Tout finira bien, il se pourrait même que le dragon ait trouvé une famille.
Quand on a un truc sous le nez et qu’on persiste à l’ignorer, comment appelle-t-on cela ? De l’obstination, de la détermination ou du déni ? Cela pose question, que les choses doivent devenir gigantesquement dérangeantes pour qu’elles soient enfin reconnues. La maman de Benoît met du temps avant de relâcher sa certitude. Elle fait peu de cas des paroles de son fils. On lui a sans doute appris à penser que les dragons n’existent pas. Pourtant devant l’évidence, elle finit par revenir sur sa position.
Faire le parallèle avec les émotions me semble intéressant. Quand on a décidé de sciemment nier une situation désagréable et que les conséquences prennent une ampleur déroutante, cela ressemble drôlement à notre dragon. Plus simplement à hauteur d’enfant, une peur ou une colère peuvent devenir très grandes voire obsédantes si l’entourage proche n’y prête pas attention. Un enfant qui cherche un regard, un peu de temps ou d’attention, que se passera-t-il s’il n’en obtient pas ? Mon petit doigt me dit que ça va générer des étincelles. En prime il y a de fortes chances pour que ces dernières ricochent sur les parents. (Ça vous rappelle des souvenirs ?)
On a tous besoin d’attention et de reconnaissance. Point n’est besoin de trop en faire. Il n’est pas question de dire « il y a un grand dragon » quand en fait il a la taille d’un chat. Reconnaître les choses, à leur juste mesure, pour soi et pour les autres ça redonne une taille acceptable à ces fameuses choses, et ça rend d’autant plus précieux les petits dragons.
Cécile Metzger nous raconte qu’il était une fois un Ours triste comme la pluie. En plus il est transparent dans un endroit gris où personne d’autre ne vit. (Si c’est pas le top de la déprime…). Certains jours il est tellement morose qu’il arrive même à se créer un petit nuage de pluie qui pleuviote au-dessus de lui. La vie était ainsi et l’Ours habitué au gris et à sa transparence ne se doutait pas que sa vie pouvait changer.
Un jour il se fit chatouiller le nez par…des libellules roses ! D’où peuvent-elles bien venir ? C’est Madame Odette qui les a amenées avec elle. Madame Odette vient de s’installer juste à côté de chez l’ours transparent et triste comme la pluie. Elle a amené avec elle des couleurs, des pots de fleurs, de la musique, un chat et une belle dose de gaieté.
La gaieté ça ne connaît pas les limites de propriété. Celle de Madame Odette se faufilait jusque chez l’Ours qui ne goûtait pas trop qu’on perturbe ses habitudes. Quand on est habitué à la solitude, pas évident de gérer la joie de vivre de la voisine. Pourtant un jour l’Ours est perturbé car il entend Madame Odette pleurer, se lamenter, se désoler parce que ses fleurs adorées ont séché… (le soleil des fois ce n’est pas très gentil et la pluie, ce n’est pas toujours triste).
Tout chose, l’Ours sent la pluie monter en lui et quand le nuage est bien chargé, il sort de chez lui pour arroser les fleurs assoiffées. L’Ours transparent se découvre bienveillant.
Gaiement il partagea un temps son coin avec Madame Odette, jusqu’à ce qu’elle s’envole définitivement avec ses libellules (mais sans son chat : normal les chats ne volent pas). Avant de partir, elle laisse un cadeau à son ami l’Ours : quelques pétales et quelques battements d’ailes rosées.
Des fois quand la vie est grise, on a l’impression que c’est comme ça et toute la vie s’organise de manière terne. La solitude est une fausse amie : l’Ours était tellement renfermé sur lui-même qu’il ne se rendait même plus compte que la vie pouvait se vivre autrement. Pire, quand un peu de nouveauté est arrivée, loin de s’en réjouir il l’a accueillie comme une perturbation de sa routine. C’est seulement quand le gris a commencé à envahir Madame Odette qu’il a fait un pas de côté par rapport à son morne chemin. En se dévoilant, il a quitté sa transparence et son isolement.
Oser parfois c’est compliqué. La sacro-sainte zone de confort tolère peu facilement le changement. On constate les résistances de l’Ours. Personnellement avec cette histoire, je ne peux m’empêcher d’y croiser certaines des miennes. Est-ce que se montrer tel qu’on est à quelqu’un en vaut la peine ? Aller vers l’autre, peut-être que c’est aussi aller vers soi…
« Oui mais si en plus ça finit de manière tragique, est-ce que ça en vaut vraiment la chandelle ? ». Certes Madame Odette monte au ciel : quelle poésie dans cette fin de vie. Suivre le chemin des libellules, ça rend son départ plus léger pour le lecteur. Pour autant parce qu’elle n’est plus là faut-il reprendre la même vie qu’avant ? Peut-être que non. L’amitié réelle transcende l’absence semble-t-il, surtout si on reçoit de quoi cultiver le souvenir de l’amitié (sacrée Odette).
Sobriété des mots pour laisser la part belle aux images. Les couleurs gagnent progressivement sur le gris, joie éclatante du rose dans un jardin en été. Merci Cécile Metzger et Obriart éditions pour ce merveilleux album qui éloigne les idées grises et qui donne envie de marcher pieds-nus dans un jardin fleuri.
Qu’est-ce qu’on fait quand on veut préparer une omelette mais qu’on ne dispose pas de l’ingrédient principal à savoir un œuf ? On va chez son voisin pour lui demander s’il n’en aurait pas un à donner. Voilà Souris qui se rend chez Merle. Quand Merle répond qu’il n’a pas d’œuf mais de la farine, le projet passe d’omelette à gâteau.
Toutefois force est de constater que se procurer un œuf n’est pas chose aisée. De voisin en voisin, Souris et Merle découvre que leur projet de gâteau intéresse les animaux sollicités. Personne ne semble avoir d’œuf mais chacun ajoute sa contribution sous forme de beurre, sucre, pommes, cannelle etc… Nous voilà dans un conte randonnée qui donne envie de sortir un saladier pour se préparer un gâteau au même rythme que nos nouveaux amis.
Chaque fournisseur d’ingrédient met la main à la pâte et vient le moment où il faut se mettre en quête d’un four ! Oh ça tombe bien : il paraît qu’Hibou en a un. Voilà tous les voisins qui montent chez Hibou, lequel est ravi de prêter son four pour un projet si gourmand. Une fois cuit, vint le moment de le couper ce gâteau. Oui mais…en combien de part ? Une part par contributeur s’avèrerait le plus cohérent. Si on fait les comptes de manière pragmatique, cela exclut Souris. Ben quoi, elle voulait un œuf mais elle n’a en rien participé concrètement comme le fait si justement remarqué Loir. Et toc, le gâteau devrait être pour tous les autres sauf pour elle.
Ne trouvant rien à redire à cet implacable argument, Souris s’en va larmes aux yeux…quand Merle réfléchissant tout haut reconnaît que sans Souris, il n’aurait pas donné la farine, idem pour Taupe avec le sucre, ou Hérisson avec les pommes. Et tous de reconnaître que sans Souris, il n’y aurait pas eu de gâteau : cela mérite une part sans aucun doute…
J’aime beaucoup les contes-randonnées. Un nouvel élément vient compléter les précédents et tout s’accumule jusqu’à la chute, ici la question du partage. Davide Cali nous a concocté un texte simple où comme pour les ingrédients dans une recette, les éléments se succèdent, s’ajoutent, se mélangent pour mitonner une histoire qui sent bon les arbres et la cannelle. Côté illustrations, Maria Dek nous offre des images fraîches comme une promenade en forêt suivie d’un bon goûter.
Est-ce que le partage doit se concevoir comme une mise en terme à terme ? Tout dépend de notre conception de la participation. Ici le partage s’annonçait juste alors qu’en réalité, il excluait cruellement celle par qui tout a commencé. Qu’est-ce qui a fait pencher la balance ? Une dose d’empathie sans doute : Souris avait été de toutes les étapes. Pourquoi la priver au dernier moment ? Et puis il y a du mérite à avoir initié un projet devenu collectif. Cela accorde une valeur aux idées.
Souris voulait faire une omelette toute seule. De son idée est née une belle occasion de rassembler les voisins. Chacun était seul chez soi avec son ingrédient et tous ont opté pour la mise à disposition de ce qu’il possédait. Parce que les choses sont meilleures quand on les partage semble-t-il…